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Piorette ou ceux de Phalsbourg essayaient de le serrer de trop près. Ainsi se termina la grande bataille du Falkenstein, connue dans la montagne sous le nom de Bataille des Roches.


XXIII.

À peine le combat terminé, vers huit heures, Marc Divès, Gaspard et une trentaine de montagnards, avec des hottes de vivres, montèrent au Falkenstein. Quel spectacle les attendait là-haut !… Tous les assiégés étendus à terre semblaient morts. On avait beau les secouer, leur crier dans les oreilles : « Jean-Claude, Catherine, Jérôme ! » ils ne répondaient pas. Gaspard Lefèvre, voyant sa mère et Louise immobiles et les dents serrées, dit à Marc que si elles n’en revenaient pas, il se ferait sauter la tête avec son fusil. Marc répondit que chacun était libre, mais que pour sa part il ne se ferait pas sauter la tête à cause de Hexe-Baizel. Enfin, le vieux Colon ayant déposé sa hotte sur une pierre, Kasper Materne renifla tout à coup, ouvrit les yeux, et, voyant les vivres, se mit à claquer des dents comme un renard à la chasse. Alors on comprit ce que cela voulait dire, et Marc Divès, allant de l’un à l’autre, leur passa simplement sa gourde sous le nez, ce qui suffisait pour les ressusciter. Ils voulaient tout avaler à la fois ; mais le docteur Lorquin, malgré sa fringale, eut encore le bon sens de prévenir Marc de ne pas les écouter, et que le moindre étouffement les ferait périr. C’est pourquoi chacun ne reçut qu’un peu de pain, un œuf et un verre de vin, ce qui ranima singulièrement leur moral ; puis on chargea Catherine, Louise et les autres sur des traîneaux, et l’on redescendit au village.

Quant à peindre maintenant l’enthousiasme et l’attendrissement de leurs amis lorsqu’on les vit revenir, plus maigres que Lazarus debout dans sa fosse, c’est chose impossible. On se regardait, on s’embrassait, et à chaque nouveau-venu d’Abreschwiller, du Dagsberg, de Saint-Quirin ou d’ailleurs, c’était à recommencer.

Au bout de cinq ou six jours, tout le monde fut sur pied. Le capitaine Vidal de Phalsbourg avait laissé vingt-cinq hommes au Falkenstein pour garder les poudres ; Gaspard Lefèvre était du nombre, et le gaillard descendait tous les matins au village. Les alliés avaient tous passé en Lorraine ; on n’en voyait plus en Alsace qu’autour des places fortes. Bientôt on apprit les victoires de Champaubert et de Montmirail ; mais les temps étaient venus d’un grand malheur. Les alliés, malgré l’héroïsme de notre armée, entrèrent à Paris.

La paix faite, au printemps on rebâtit la ferme du Bois-de-Chênes : les bûcherons, les sabotiers, les maçons, les flotteurs et