Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 35.djvu/687

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des bêtes de trait est encore plus marquée que dans la région hesbayenne, et en général dans les grandes fermes on trouve plus de chevaux que de vaches. C’est ainsi que j’ai visité plusieurs exploitations de plus de 100 hectares, qui passaient pour très bien conduites : on y comptait vingt chevaux, non compris les poulains, et seulement huit ou neuf vaches à lait et quelques élèves, plus deux cents moutons. Un si petit nombre de bêtes de produit donne une quantité d’engrais tout à fait insuffisante. Pour en tenir lieu, on a recours à la jachère. On remplace les matières fertilisantes par les façons qu’on donne à la terre, et qui rendent nécessaire l’emploi d’un nombre supplémentaire de chevaux. On fume une fois tous les trois ans après jachère pour les semailles des céréales d’hiver. S’il reste des engrais disponibles, on les applique au trèfle ; l’avoine n’en obtient point. À la sixième ou à la neuvième année, on chaule largement dans la proportion de 30 à 40 mètres cubes par hectare ; mais quant à acheter des engrais dans les villes ou au commerce, nul n’y songe, et quand on parle au fermier de faire des avances de ce genre, il répond qu’il n’entend pas se ruiner.

On ne s’étonnera donc point que le capital d’exploitation soit encore moins considérable ici qu’en Hesbaye : on ne peut le porter à plus de 20 ou 25,000 francs pour une ferme de 100 hectares, c’est-à-dire au tiers de ce qu’il faudrait en Flandre pour faire valoir la même étendue. Le fermier entrant en mai n’a rien à payer au fermier sortant. Les pailles et fumiers lui reviennent, mais les récoltes ne sont pas pour lui, et il s’écoule dix-huit mois avant qu’il puisse réaliser ses produits et payer son fermage. La plus grande partie de son capital consiste donc dans les avances qu’il doit faire pendant cet intervalle. Les instrumens aratoires sont simples, mais de bonne construction. La charrue dont on se sert généralement est forte, légère et sans avant-train ; elle est traînée par deux chevaux. Les chariots au contraire sont énormes et exigent un attelage de quatre chevaux. Les nouvelles machines, comme la batteuse, déjà répandue ailleurs, n’ont pas encore pénétré dans le Condroz, pays extrêmement rebelle aux innovations de tout genre. La culture exigeant ici peu de capital, les grandes exploitations sont à la portée des jeunes fermiers, et ne se morcellent guère jusqu’à présent. C’est la région de la Belgique qui compte le plus de grandes fermes ; celles qui atteignent 100 hectares, si rares dans les provinces flamandes, s’y rencontrent assez fréquemment. Le nombre de ceux qui participent à la propriété foncière est plus élevé que dans l’ouest de la Belgique, et la plupart des ouvriers possèdent en propre la maison qu’ils habitent ou le champ qu’ils cultivent. Tandis que dans les Flandres on ne compte qu’un exploitant sur quatre qui fasse valoir une terre qui