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et audacieux génie. Descartes est critiqué avec une résolution, une netteté, une hardiesse où il eût reconnu avec joie un enfant de sa mâle pensée. Rien de plus éblouissant à première vue que la philosophie religieuse de l’auteur des Méditations et du Discours de la méthode. Quand on en rassemble les principes, les développemens, les conséquences dans un tableau rapide et lumineux comme l’a fait M. Saisset, il est impossible de ne pas être ravi de tant de richesse et de grandeur. Descartes, pour démontrer l’existence de Dieu, a trouvé une preuve d’une simplicité merveilleuse, et cette preuve, nous la portons en nous-mêmes, si bien que, dès le premier regard jeté sur notre imparfaite nature, nous voilà initiés par le penseur à la plus haute, à la plus féconde des vérités. Toutes les conséquences que produit ce premier principe sont d’une beauté incomparable. Ce Dieu, que la conscience nous révèle, est la perfection même, et Descartes ne fait que développer les trésors contenus dans cet argument si simple, quand il recommande à qui veut concevoir les attributs de la Divinité, « de ne supposer en son essence que les choses qui peuvent être conçues comme parfaites et d’en exclure tout ce qui implique quelque privation ou quelque imperfection. » Le Dieu de Descartes possède donc la perfection souveraine, et cette perfection éclate surtout dans ses œuvres, dans ce monde qu’il a créé librement et par un acte d’amour, dans ce monde, sa digne et complète image, infini comme lui et comme lui éternel. Et ne craignez pas que le Créateur se confonde avec cette création sans fin ; tout dépend de lui, il ne dépend de rien. Il n’aspire pas à quelque chose de meilleur, il possède la plénitude immuable de son être et il en jouit éternellement. C’est un Dieu bon autant que puissant, un Dieu qu’il faut adorer et dont l’adoration nous pénètre de joie ; c’est le Dieu qui inspire au sévère logicien ce religieux transport exprimé avec une naïveté pleine de charme : « Il me semble très à propos de m’arrêter quelque temps à la contemplation de ce Dieu tout parfait, de peser tout à loisir ses merveilleux attributs, de considérer, d’admirer et d’adorer l’incomparable beauté de cette immense lumière, au moins autant que la force de mon esprit, qui en demeure en quelque sorte ébloui, me le pourra permettre ; car, comme la foi nous apprend que la souveraine félicité de l’autre vie ne consiste que dans la contemplation de la majesté divine, ainsi expérimentons-nous dès maintenant qu’une semblable méditation, quoique incomparablement moins parfaite, nous fait jouir du plus grand contentement que nous soyons capables de ressentir en cette vie. »

Voilà certainement un admirable ensemble de déductions ; délivré, par son doute volontaire, de toutes les traditions confuses, de toutes les autorités contestables qui offusquaient sa pensée, enfermé