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répression des corsaires du sud et s’exposer par là à entrer en guerre avec les états confédérés. Dès que le cabinet de Washington a vu qu’il ne pourrait obtenir le profit qu’il en attendait, il a retiré sa proposition, et cette conduite, on l’avouera, lui fait peu d’honneur. C’était de même une pensée peu fière que celle qu’il avait eue de recourir au prestige de Garibaldi et de chercher un nouveau Lafayette dans le solitaire de Caprera. Garibaldi, ainsi que nous l’avons dit, avait mis pour condition à son acceptation le consentement du roi Victor-Emmanuel. Nous ne nous étions pas trompés non plus en disant que le roi d’Italie avait répondu que, sans vouloir prendre la responsabilité de l’acte politique que lui annonçait Garibaldi, il le laissait libre de se décider à son gré. Il paraît positif que le héros italien avait été séduit par la perspective du grand rôle qu’il aurait eu à jouer dans une guerre qui, pour employer son langage, devait avoir pour résultat la rédemption des esclaves. Ses amis d’Italie ont été plus avisés : ils sont accourus auprès de lui, et en lui montrant, non sans raison, les services qu’il pouvait être appelé à rendre à l’Italie, ils l’ont détourné de cette lointaine aventure.

L’Allemagne n’en finit pas avec ses congrès de toute sorte. Ce n’est cependant point un ironique regret que nous exprimons. Par ces réunions animées qui ont pour objet l’art, la science, la politique, l’Allemagne révèle une vitalité généreuse. Loin d’y chercher un prétexte d’épigramme contre cette grande race germanique, nous lui envierions plutôt ce facile et vivifiant commerce des intelligences qui est une de ses manifestations les plus attachantes, nous chez qui les intelligences ont cessé de frayer entre elles et qui arrivons par l’isolement à une stérile torpeur. Parmi une des dernières réunions importantes qui ont eu lieu en Allemagne, il ne faut pas oublier le congrès économique. Là, comme partout cette année en Allemagne, la politique a fait sa trouée ; là encore on a pu voir et le progrès des aspirations unitaires et les sérieux obstacles qu’elles rencontrent dans les intérêts et dans les mœurs. Le congrès économique se tenait dans la capitale de l’un des états du sud, à Stuttgart. La politique y est entrée par les questions de douanes et de tarifs. Dans ces matières, les unitaires ont le beau rôle, ils sont pour la liberté du commerce ; les fédéralistes ont le mauvais, ils sont protectionistes. L’aspiration unitaire dans cette assemblée d’économistes et d’industriels s’est fait jour sous une forme curieuse. On a répandu dans le congrès le projet d’une sorte de parlement commercial qui aurait pour mission de veiller aux intérêts commerciaux de la confédération et d’en contrôler la législation douanière. Ce parlement se composerait de députés des états qui forment le Zollverein actuel et d’un conseil directeur où siégeraient des commissaires nommés par les divers gouvernemens. La Prusse aurait le pouvoir exécutif, soumis, il est vrai, au contrôle des directeurs et des députés ; mais où perçait surtout l’esprit d’hégémonie prussienne, c’était dans le nombre des députés attribués à la Prusse. Ils devaient former la moitié des membres du parlement commercial. Les hommes