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même air de santé, même charme de visage, si bien qu’on est presque embarrassé de choisir. On peut prendre presque au hasard parmi ses héros et ses héroïnes, on est à peu près sûr de tomber sur une charmante fille ou sur un aimable garçon. Quelle pépinière d’heureux ménages seraient les œuvres de Mme Reybaud, si les héros et les héroïnes de romans pouvaient se marier ! Il n’y a vraiment entre ses récits d’autre différence que celle du bien au mieux et du mieux au très bien.

Cependant, comme il arrive souvent, ce ne sont pas les aînés que sont les plus beaux, ni, je crois, les préférés de leur mère. Les enfans intermédiaires et surtout les derniers venus sont ceux qui ont été le plus chéris et qui sont encore regardés avec le plus d’amour. Il y a une éducation aussi pour la maternité, et ce ne sont pas toujours les jeunes mères qui sont le plus prodigues de caresses. Mme Reybaud, semblable en cela aux jeunes mères, a mieux aimé ses enfans à mesure qu’elle en a eu davantage, et ils lui ont coûté plus de joie à mesure qu’ils lui ont coûté moins de douleur. Elle-même nous a fait à cet égard sa confession. « J’apprenais l’espagnol, et naturellement je me mis à faire des traductions, par-ci par-là, de ce qui me frappait ; puis j’écrivis de mauvaises petites nouvelles informes, puis un roman, un mauvais roman historique très bête, puis encore un autre roman historique qui ne valait pas mieux que son aîné ; il n’en faut pas parler… Depuis mon début, j’ai toujours tâché de faire de mieux en mieux, et quand mes premiers livres me tombent sous les yeux, je me voile la face. » Mme Reybaud est injuste vraiment pour ces premiers livres : j’ai fait récemment la connaissance de plusieurs d’entre eux, et je les ai trouvés de très amusante compagnie, moins différens même de leurs cadets que l’auteur ne veut bien l’avouer. Et puis il faut dire pour leur justification qu’ils existent depuis plus longtemps que les autres ; les grâces de l’enfance ont pu se flétrir et les rides se former. Cette remarque de détail une fois faite, j’accorde bien volontiers que les derniers romans ont une supériorité marquée sur les premiers. Les premiers n’étaient qu’amusans et gracieux, ceux de l’âge intermédiaire ont été pathétiques et émouvans, et les derniers venus sont tout à fait remarquables. Un progrès continu au sein d’une fécondité assez surprenante, telle est à peu près la formule du talent de Mme Reybaud. L’Oblat est le premier livre dans lequel apparaisse d’une manière sensible ce progrès continu, dont Mademoiselle de Malepeire et l’Oncle César sont les derniers termes. « De mieux en mieux » est, comme nous l’avons vu, la devise de Mme Reybaud, dont la carrière littéraire n’a pas connu ces irrégularités du talent qui sont si fréquentes chez la plupart des écrivains. Sa carrière littéraire est tout à fait conforme