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à l’arrosage des terres en culture situées à un niveau inférieur. Ces terres profitent ainsi des substances nutritives entraînées en solution dans les liquides filtrés au travers des couches de terre végétale et des argiles du sous-sol. Et, chose remarquable, la pensée de cette utile application accessoire remonte encore au temps d’Olivier de Serres, qui l’exprima en termes formels et précis, alors que le nom du drainage moderne n’était pas inventé et qu’on y suppléait incomplètement à l’aide de fossés d’écoulement empierrés ou maintenus par des fascines alignées au fond des rigoles et recouvertes de terre. Voici ce que publiait Olivier de Serres sur l’irrigation des sols inférieurs par les eaux des terres assainies : « La terre est d’autant meilleure que, longtemps reposée sans pouvoir rien produire, en-gardée par les eaux, elle a fait amas de fertilité, outre lequel revenu, des eaux nuisibles éparses ramassées en un lieu se pourra former une source de fontaine telle grande et abondante qu’elle suffira pour l’arrosement des prairies. »

Si dans le cours de l’année 1860, exceptionnellement froide et humide, l’utilité de l’assainissement, de l’aération et de réchauffement du sol par la voie économique du drainage a été manifeste à tous les yeux, l’année 1861, au milieu de ses alternatives extraordinaires d’un hiver rigoureux, de pluies diluviales, de grande chaleur et de longue sécheresse, excitant tour à tour des craintes et des espérances exagérées, aura pour les agriculteurs expérimentés les mêmes enseignemens, et doit conduire à de semblables conclusions. D’abord les blés, surpris par les fortes gelées dans le sol détrempé, dépourvus d’ailleurs du manteau de neige qui d’ordinaire les protège en cette saison, souffrirent plus oui moins dans leurs organes aériens et dans leurs racines çà et là dénudées. En quelques endroits, il fallut retourner à la charrue ces semences d’automne, afin d’y substituer les céréales moins productives du printemps. Dans le plus grand nombre des localités, les espaces vides purent se remplir, grâce au tallage des blés ou pousses nouvelles, entourant les premières touffes : les tiges se dressèrent nombreuses, serrées, surmontées bientôt de volumineux épis, et l’on crut pouvoir compter sur une abondante moisson. Cependant on n’était pas au bout des déceptions : des chaleurs tropicales, succédant tout à coup aux pluies surabondantes, amenèrent ce concours de l’humidité extrême et de la température élevée si favorable au développement des végétations cryptogamiques. En quelques jours, dans un grand nombre de régions agricoles, la végétation, luxuriante jusque-là, s’affaiblissait sous les étreintes d’un champignon d’une extrême ténuité, mais doué d’une faculté si prodigieuse de multiplication, qu’on ne pouvait traverser un champ de blé sans que les vêtemens fussent tachés et tout couverts de la