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dure la submersion totale et quelle que soit l’étendue des nappes d’eau qui les recouvrent, n’occasionnent aucune affection endémiquement régnante. Ce n’est qu’à l’instant précis où, chaque année, l’évaporation superficielle met graduellement le sol à découvert que commencent aussi à se manifester les affections périodiques printanières, estivales ou plus ordinairement automnales, qui disparaissent en hiver.

Quelle est donc la véritable nature de ces émanations malfaisantes ? Les uns y croient reconnaître l’influence de ces myriades d’êtres microscopiques vivans, qui naissent presque instantanément des terres chargées de matières organiques au moment même où, l’eau surnageante disparaissant, le libre accès de l’air permet à tous les germes flottant dans l’atmosphère ou latens jusque-là de se développer et de se multiplier. Dans leur ténuité prodigieuse, ces êtres sont entraînés çà et là par les vents, disséminés au hasard, et ils vont agir sur des populations plus ou moins bien disposées à souffrir de leurs atteintes. En présence des faits chaque jour plus nombreux que la science enregistre sur les réactions énergiques des fermens impondérables, de certaines végétations microscopiques ou de leurs imperceptibles séminules, cette opinion n’offre rien que de rationnel. Il est logiquement permis de se laisser guider par les analogies qu’offrent ces réactions morbides avec la funeste influence exercée par des parasites infimes sur les espèces animales et végétales vivantes. Les récens travaux de M. Pasteur donnent à cette théorie une nouvelle force en démontrant que les spores ou séminules répandus en nombres immenses dans notre atmosphère jusqu’à une grande hauteur produisent, suivant les milieux favorables, humides ou liquides, qu’ils rencontrent, les diverses mucédinées vaguement désignées sous le nom de moisissures, une foule de champignons vénéneux ou délétères, les êtres microscopiques végétaux et animaux qui constituent les fermens alcoogènes et les fermens qui déterminent la formation des acides acétique, lactique, butyrique, etc.

Il est une seconde opinion qui attribue la cause des affections paludéennes aux émanations gazéiformes, et plus particulièrement à l’hydrogène sulfuré (acide sulfhydrique) dégagé pendant la fermentation spontanée des débris organiques. Pour en juger, il ne sera pas inutile de citer ici le curieux exemple d’une sorte d’expérience comparative qui met en présence les deux opinions, et qui permet au moins de ranger la seconde au rang des préjugés dénués de preuves et même de vraisemblance. Chacun connaît la réputation d’insalubrité trop justement acquise des maremmes de la Toscane. Il suffit parfois de rester quelques instans après le coucher du soleil, durant la belle saison, dans ces vallées humides, pour contracter une de