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— Ah ! oui, ce sont des anges ; ils annoncent la bonne, la bonne nouvelle ! À chaque instant moins de tristesse, moins de douleur ! O ma Pologne bien-aimée, mon âme délivrée de tous les maux s’élance vers l’infini : Hosanna ! hosanna !


SUR LA GLOSE DE SAINTE THÉRÈSE.
Vivo sin vivir en mi
Y tan alta vida esporo
Que muero porque no muero.
( Glose de sainte Thérèse.)

… C’est la vie et non pas la mort qui m’épouvante, car j’entrevois là, devant moi, des mondes si splendides, que celui d’ici-bas me paraît un sépulcre de deuil, — et je me meurs de ne pouvoir mourir !

Mourir ou souffrir, — et souffrir sans mesure, car il faut, Seigneur, que par la mort je me confonde avec toi dans ton ciel, — ou, si c’est impossible, que je vive pour toi au milieu de cet enfer ! Envoie-moi donc des tourmens comme des dons célestes ; plus ils seront affreux, mieux ils seront reçus. — Il n’y a que l’absence de maux qui m’effraie, — et je me meurs de ne pouvoir mourir !

Le seul soulagement à mes souffrances, — et il s’appelle la mort, — je ne puis me le donner sans te déplaire. — O Seigneur, je suis bien, bien malheureuse ! Cette seule voie de félicité, tu me l’as fermée, — et je me meurs de ne pouvoir mourir !

Quelquefois seulement je t’aperçois dans une vision, mais tu ne daignes pas demeurer longtemps avec moi ; bientôt disparaît la figure céleste de l’Homme-Dieu, et je tombe dans une agonie encore plus amère !

Il y a un instant, je me trouvai plongée dans l’infini, et personne n’aurait pu distinguer la servante du maître. Toi, Dieu, tu te faisais petit pour moi, — et de moi, chétive, s’élançait Dieu tout entier ! — Tu t’enfermais dans mon cœur comme dans un sépulcre, — et moi, pareille à l’immensité, je m’étendais vers toi ! — En vertu de la grâce infinie, le Créateur descendait pour un instant dans la créature, — la créature, par une aspiration, montait dans le Créateur !

Et il me semblait qu’ayant fini mon exil, et délivrée de mon corps, j’étais déjà avec toi, près de toi, en toi pour toujours ! — Je voyais ta face, mais non avec mes yeux ; — j’entendais ta voix, mais non