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L'ILE DE CHYPRE
SOUVENIRS D'UNE MISSION SCIENTIQUE

Dans la partie orientale de la Méditerranée s’étend une île aujourd’hui presque déserte, autrefois fameuse : je veux parler de Chypre. Elle passa longtemps pour une des contrées les plus riches de l’ancien monde ; ce fut la terre des amours, le rendez-vous des voluptés. Une des villes de son littoral méridional, Paphos, avait vu, dit-on, Vénus naître de l’écume des flots, et chaque année on s’y rendait de tous les pays civilisés pour assister à des fêtes solennelles. Au moyen âge, Chypre eut encore une grande splendeur ; elle devint une terre française, et nos princes de Lusignan furent quelque temps ses rois. De nos jours, elle languit, humiliée sous le despotisme musulman : Paphos, Amathonte, Idalie, ne vivent plus que dans les souvenirs.

Dans ces derniers temps, un savant historien, M. de Mas Latrie, a exploré les débris archéologiques de Chypre ; mais la nature physique de cette île est restée complètement inconnue. Voulant combler cette lacune, le Muséum d’histoire naturelle me chargea, il y a peu d’années, d’une mission géologique en Chypre. Une autre mission m’était confiée par le ministre de l’agriculture, non-seulement pour cette île, mais pour la Syrie, l’Égypte et la Grèce. Chypre néanmoins méritait de tenir dans cet ensemble de recherches une place particulière. Depuis que Montesquieu a donné l’exemple d’étudier les causes de la grandeur et de la décadence des peuples, les historiens n’exposent plus seulement les faits, ils cherchent à s’en rendre compte. Sans doute les récentes découvertes des sciences physiques et naturelles aideront à trouver la raison d’un grand nombre d’événemens