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sa propre destinée, sans vouloir à tout prix s’engager dans des liens nouveaux.

Et quant au cabinet du 15 avril, si, comme on en peut donner la preuve, il devait ses premiers succès à deux causes, dont une seule, les talens, la prudence, l’agrément personnel, les manières attrayantes de son chef, ne devait pas l’abandonner, tandis que l’autre, la tolérance d’une partie de l’opposition, commençait à lui faire défaut ; si dès son origine il manquait d’une base assez stable, d’un programme assez défini pour continuer longtemps avec ses seules forces la mission qu’il s’était proposée, et si par conséquent il devait, lui aussi, chercher une alliance, c’était assurément aux dissidens de l’ancienne majorité qu’il aurait dû s’adresser d’abord. Là étaient ses renforts naturels, ses véritables alliés. Laisser ce vide au cœur même de l’armée, c’était rendre impossible tout triomphe durable, tout affermissement de la cause de l’ordre. Ces trente membres avaient leur importance, même en ne comptant pour rien la valeur des personnes, puisqu’il aurait suffi que quelques-uns de leurs collègues, heureusement inspirés dans l’intérêt commun et comprenant leurs intentions, eussent fait nombre avec eux pour qu’avant toute discussion, toute coalition et tout fâcheux éclat, le cabinet fût pacifiquement amené à d’utiles transactions. On ne peut donc trop regretter que de sérieux efforts n’aient pas été tentés pour combler le fossé qui peu à peu s’était formé entre ce groupe et le reste des centres.

Pour le ramener presque en entier, il ne fallait, quant à la politique, qu’un peu plus d’unité, une attitude un peu plus décidée, et à coup sûr, quant aux personnes, moins de travail et moins de soins que pour recueillir çà et là quelques épaves du centre gauche. Est-il donc vrai qu’il y eût à ces heureux rapprochemens un obstacle invincible dans l’incompatibilité de deux hommes et de deux caractères ? Je l’ai cru longtemps, je l’avoue, et je ne serais pas surpris, autant qu’on en peut juger par quelques mots qui lui échappent, que, même à l’heure qu’il est, chez l’auteur des Mémoires, cette ancienne impression ne soit pas tout à fait effacée, bien qu’en des circonstances plus récentes il se soit retrouvé, comme il le dit lui-même, uni par des idées, des sentimens et des efforts communs avec l’ancien président du cabinet du 15 avril- Eh bien ! s’il m’est permis de consulter ici mon propre sentiment, j’oserais affirmer que ces deux hommes, quel que fût sur ce point leur avis personnel, et à coup sûr, contrairement à ce qu’on en croyait au dehors et surtout autour d’eux, n’étaient pas par eux-mêmes le véritable obstacle à l’union qui pouvait tout sauver. Ce n’est qu’après coup que je l’ai bien compris, lorsque, dans l’assemblée législative, M. le comte