Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/623

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’aimaient pas les édiles, qui avaient été institués comme les tribuns pour la protection de la liberté. Tibère les employa à surveiller les cabarets et les rabaissa au rôle de bourreaux de la pensée en leur faisant brûler les livres de Cremutius Cordus. Néron restreignit encore leur pouvoir. Enfin cette magistrature plébéienne, glorieuse fille du Mont-Sacré, descendit aux soins les moins relevés de la voirie, à empêcher qu’on ne jetât des immondices par les fenêtres et à ce qu’on laissât des charognes dans les rues.

Le secret de cette transformation est dans la nature des fonctions qui furent attribuées aux édiles, et ces fonctions eurent elles-mêmes leur raison d’être dans l’édifice sacré auquel l’édilité fut attachée à son origine, le temple de Cérès. Ce temple leur donna leur nom. Les édiles, ce sont les hommes du temple (œdes Cereris), du temple par excellence pour les plébéiens (composés primitivement de Latins), et situé au pied de l’Aventin, à l’entrée de la vallée Murtia, lieu plébéien que des Latins habitaient depuis Ancus. Les Sabins les y avaient précédés et y avaient célébré avant eux le culte de Cérés. Cérés était le nom sabin d’une divinité pélasge ; les Latins l’adoptèrent parce qu’elle était une déesse agricole, et la portion pauvre des plébéiens parce qu’elle était la déesse du pain. Ce temple était sous la surveillance particulière des édiles ; ils y avaient leurs archives, où ils conservaient les lois votées dans les comices populaires par tribus (plébiscites), et où ils exigèrent que fussent déposés les sénatus-consultes ; plus tard on les transporta au Capitole, ce qui veut dire, je crois, dans le tabularium, qui était et qui est encore sur le Capitole.

Préposés à la garde d’un édifice sacré, les hommes du temple devinrent les hommes des temples, ce qui se disait de la même manière (œdiles). Ils furent chargés de la construction, de l’entretien et de la réparation des temples. Ce nom d’édiles désignait aussi les hommes des édifices en général, des maisons ; les édiles eurent dans leur département l’alignement et le soin des rues, par suite des égouts, des thermes, et ils descendirent toujours davantage d’un rôle politique à un rôle municipal. Comme les amendes dont ils frappaient les citoyens leur servaient à bâtir des temples et à donner des jeux dans le grand cirque placé à la porte de leur temple, ils furent intéressés à poursuivre toute contravention aux règlemens de police ; ils devinrent des surveillans minutieux de ces règlemens, et c’est ainsi qu’on put sous l’empire faire inspecter les lieux les plus abjects et imposer les occupations de voirie les moins relevées à ceux dont Cicéron avait appliqué le nom à Dieu même, l’appelant l’édile de l’univers.

Le temple particulièrement confié aux édiles était, nous l’avons vu,