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rendant hommage aux travaux individuels, il y aurait ingratitude envers le passé à ne pas reconnaître qu’ils n’auraient pas pu s’accomplir sans une application de la loi du 15 avril 1836 sur les chemins vicinaux, qui a été aussi large qu’intelligente dans cette contrée. Cette loi, grâce à laquelle le bienfait des communications faciles fait circuler la vie dans les campagnes les plus reculées, est la mesure la plus efficace qu’aucun gouvernement ait jamais prise dans l’intérêt général d’un grand pays ; elle féconde la production sur toute la surface du territoire et élève la condition de l’universalité des cultivateurs. Nous en recueillons les fruits dans nos finances aussi bien que dans notre agriculture et notre industrie, et nous devons à sa puissance modeste la plupart des ressources avec lesquelles ont été payées les fautes, les folies et les grandes choses que nous avons faites depuis douze ans.

Quand le cardinal de Richelieu voulut fortifier notre puissance navale sur la Manche, il comptait prendre l’abondance territoriale de la Normandie pour point d’appui des arméniens. Nous avons à développer aujourd’hui la culture pour élargir les bases de l’établissement maritime. En dehors de l’alimentation des populations urbaines, de celle des masses d’ouvriers du district manufacturier de Rouen, les provisions de bord nécessaires aux équipages des navires constituent au Havre, à Rouen, à Honfleur, une exportation considérable de denrées. Les bâtimens qui partent annuellement de ces trois ports pour l’étranger portent au-delà de 50,000 tonnes, et les caboteurs, dont, il est vrai, la plus grande partie, ne va qu’à de courtes distances, en portent plus de 30,000. Cette absorption locale des produits du sol explique comment les expéditions du bassin de la Seine pour l’Angleterre s’aperçoivent à peine auprès de celles des autres rives de la Manche ; mais elle va toujours croissant, et, pour ne pas rester trop en arrière de la progression des besoins, l’agriculture ne doit pas cesser d’étendre et d’améliorer son domaine.

Sous ce point de vue, le pays ne pouvait pas faire de plus précieuse conquête que celle des atterrissemens qui se sont logés en arrière des digues longitudinales établies, — pour l’amélioration de la navigation de la Seine, — de La Mailleraie à Tancarville et à la pointe de La Roque. La longueur de ces digues est, sur la rive droite, de 31,100 mètres, sur la rive gauche, de 25,200 mètres ; les surfaces limonées ont en tout une étendue de 4,402 hectares pour 563 hectomètres de digues. Dès que ces dépôts sont élevés au-dessus du niveau des marées ordinaires de vive-eau, ils se couvrent spontanément d’une riche verdure, et se rangent d’eux-mêmes parmi les meilleurs herbages de la vallée : la fertilité s’en maintient pendant