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pour enregistrer les variations des rivières à marées ; mais Charles le Chauve ayant fait don en 840 du port et du péage de Caudebec à l’abbaye de Saint-Wandrille, les moines crurent avoir sur les îles qui se formaient dans l’étendue de leurs concessions des droits que leur disputaient les ducs de Normandie, et les documens sur l’état du fleuve se sont accumulés dans les archives du couvent de la province et du parlement. Un fait en ressort, c’est que le tronçon du cours de la Seine qui baigne les murs de Caudebec a toujours été de ceux où le mascaret a déployé le plus de violence. Les eaux tumultueuses, repoussées de la rive septentrionale par des escarpes rocheuses, se rejetaient sur la rive gauche, formée d’alluvions qu’elles entamaient ; elles élargissaient leur lit sans mesure, et y formaient des îles destinées à être tôt ou tard dévorées. Tel a été au commencement du XIe siècle, après plus de quatre cents ans de stabilité constatée, le sort de la fameuse île de Belcinac, dont l’étendue approchait de 200 hectares. La largeur du lit devant Caudebec avait pour conséquence naturelle l’insuffisance de la profondeur de l’eau, sauf dans un chenal étroit que la force centrifuge du courant maintenait le long de la rive droite. Deux beaux vallons ouvrent au nord une communication facile de la Seine au plateau d’Yvetot. Ce point de contact entre un atterrage toujours praticable et un territoire fertile appelait des habitans ; une colonie de pêcheurs s’y forma au IXe siècle, et ce fut sans doute pour consacrer cette origine que la ville naissante prit pour armes trois éperlans argentés. Elle faisait au XIVe siècle un commerce considérable par terre et par mer. Sa richesse lui fit une nécessité et lui donna le moyen de s’envelopper de fortes murailles ; elle était d’ailleurs considérée avec raison comme la clé de la Seine, puisque aucun navire ne pouvait passer devant sans raser ses quais. Tout ce que fit et souffrit la population de Caudebec pour la cause du pays pendant la première moitié du XVe siècle donne de sa puissance une idée à laquelle ne répond pas son état actuel. Elle soutint en 1419 un siège de six mois contre les armées d’Henri V d’Angleterre, et après une défense héroïque elle eut Talbot pour gouverneur. Elle prit une part glorieuse à l’insurrection de 1435 contre les Anglais, et reçut triomphalement Charles VII en 1449. L’expulsion des Anglais fut chez elle le signal d’un essor très remarquable de l’industrie. Plus tard, la ligue et la couronne se disputèrent avec acharnement Caudebec, dont la possession était alors une des conditions de la sûreté de Rouen. Ces temps de troubles passés, la ville conserva ses fabriques et ses relations de commerce avec l’Angleterre et la Hollande. En 1685, au moment de la révocation de l’édit de Nantes, elle fournissait tout le nord de l’Europe de ces chapeaux autour