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de la guerre civile, de faire une excursion au grand désert. Ils partirent de Mexico, et s’arrêtèrent le soir dans une ferme pour reprendre leur course le lendemain. Ils passaient paisiblement leur soirée, lorsque les portes furent enfoncées tout à coup, et l’un d’eux, le docteur Fusch, tomba frappé d’une balle. Ils furent tous sommés de se rendre et pillés. Des muletiers qui étaient dans la même ferme, et qui transportaient des marchandises à Toluca, eurent le même sort, tout cela au cri de vive la fédération ! Et qu’on ne dise pas que les gouvernemens prennent des mesures de sûreté, car ils n’en prennent d’aucune sorte, qu’ils indemnisent au moins ceux qui sont atteints dans leur vie ou dans leurs intérêts, car s’ils se résignent à subir les engagemens qu’on leur impose, ils ne les exécutent jamais.

C’est le sentiment, certes fort naturel, de ce qu’il y avait d’intolérable dans cette situation qui, avant même la fin de la lutte engagée entre les pouvoirs rivaux de Miramon et de Juarez, avait conduit les gouvernemens européens à offrir leur médiation. Les ministres de France et d’Angleterre eurent un instant la mission de chercher à négocier un arrangement entre les deux partis ; mais les choses avaient déjà changé de face. Les deux pouvoirs, qui avaient essayé sans succès jusque-là de se réduire mutuellement, n’étaient plus à chances égales. Miramon venait d’échouer dans sa dernière tentative contre la Vera-Cruz. M. Juarez de son côté, enorgueilli par l’échec de son adversaire, se refusait à toute transaction avec un mélange de ruse et d’opiniâtreté. M. Juarez s’obstinait d’autant plus qu’il savait bien qu’à Mexico même tout tombait en confusion, que le commerce n’existait plus, que les suspensions de paiement des maisons les plus puissantes se succédaient, et que Miramon en était à poursuivre des victoires qu’il ne trouvait pas, tandis que les bandes constitutionnelles se rapprochaient de la capitale. La médiation échoua donc, et M. Juarez trouva dans la défaite définitive de Miramon le prix de son opiniâtreté. Or depuis ce moment la situation des intérêts étrangers s’est-elle trouvée améliorée ? Bien au contraire, elle s’est aggravée. Un des premiers actes de M. Juarez après son entrée à Mexico était l’expulsion brutale de l’ambassadeur d’Espagne, M. Pacheco, avec le nonce du pape et un autre ministre étranger. Ce n’était là que le prélude significatif de ce qui est arrivé depuis : emprisonnement de nos vice-consuls, attaques à main armée dirigées contre notre ministre même, M. Dubois de Saligny, nouveaux emprunts forcés, assujettissement de nos nationaux au service militaire. Le gouvernement mexicain ne s’en est pas tenu là. Au mois de juillet dernier, il supprimait pour deux ans toutes les conventions étrangères ; en d’autres termes, il se déliait, de sa propre autorité, des obligations contractées avec les gouvernemens européens. Une simple protestation était désormais manifestement insuffisante, et c’est ainsi que l’essai de médiation tenté antérieurement pour rétablir la paix intérieure au Mexique s’est transformé, après la victoire de M. Juarez, en une intervention collective des trois puissances le plus directement lésées depuis