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magistrats qui ont eu la sagesse d’arrêter ce grand mal en les remerciant au nom de l’humanité et de la justice même ; mais ce que nous pouvons affirmer, c’est que les annales du palais leur garderont bon souvenir de la salutaire résolution qu’ils ont prise, et qui les honore. L’avocat peut aujourd’hui se présenter à la barre avec la certitude d’y trouver la bienveillante attention du juge. La dignité de la justice n’y a rien perdu, mais le droit sacré de la défense y a beaucoup gagné. Quelle chose en effet plus cruelle au monde que d’être condamné sans être entendu ! Laissons à la matière poussée par la vapeur ou le feu son inintelligente vitesse, à l’œuvre de la justice sa prudente et sage mesure. N’est-ce pas en cette œuvre difficile que la raison commande surtout de se hâter lentement ? Un président de chambre à la cour de Paris avait inscrit sur le premier feuillet de son code cette parole du Digeste : circa advocatos patientem esse proconsulem oportet ; il fit plus, il ne l’oublia pas et prêta toujours à l’avocat, à la cause du plaideur une oreille patiente et attentive. Il laissa dire la statistique, et sa renommée n’en a pas souffert.

En définitive, notre organisation judiciaire est bonne et n’appelle pas, ce semble, de réformes radicales. Que reste-t-il à faire ? En 1852, sous l’influence de certaines critiques qui s’étaient produites, l’Académie des Sciences morales et politiques mit au concours la question de savoir quelles étaient les réformes à introduire dans notre procédure civile. L’ouvrage de M. Raymond Bordeaux, couronné par l’Académie, sur le rapport de M. Portalis, s’est arrêté à deux points importans, le choix et le traitement des magistrats. Or ces deux points, le premier surtout, étaient également ceux qui avaient le plus préoccupé l’assemblée constituante. Par la création des juges de paix, elle avait voulu implanter au sein des campagnes une justice paternelle, douce et entourée d’une telle considération que par sa seule influence la tranquillité fût partout maintenue. Le juge de paix devait être l’un des hommes les plus estimés du pays, et c’est aux citoyens du canton que l’assemblée avait laissé le soin de le désigner par leur suffrage. Les membres des commissions de paix en Angleterre sont les propriétaires les plus importans et les plus estimés de chaque comté, jouissant d’un manoir de 100 livres sterling de revenu, ou qui possèdent en expectative par succession 300 livres de rente. Les pairs d’Angleterre, les princes du sang ne dédaignent pas de faire partie de la commission de paix. En France, sous l’empire, le droit de choisir les juges de paix fut réduit, pour chaque canton, à la présentation de deux candidats au chef de l’état, et bientôt leur nomination passa au gouvernement seul, qui l’a conservée. À leurs fonctions de juges et d’officiers de police judiciaire