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bres existent des rapports qui permettent une action réciproque des uns sur les autres, qui établissent la solidarité et obligent les représentans du pouvoir exécutif non pas à être dépendans du pouvoir législatif, mais à conserver sa confiance et son concours, des tempéramens deviennent nécessaires et des concessions sont faites de part et d’autre. Aucun n’obtient tout ce qu’il désire, mais aucun ne se voit enlever tout ce qu’il souhaite conserver. Un gouvernement est parfois gêné dans ses projets, entravé, je l’accorde, dans le bien qu’il pourrait faire; mais, par une juste compensation, il est protégé contre plus d’une erreur, contre plus d’un entraînement, et, ce qui est plus précieux encore, s’il garde la responsabilité de ses actes, il partage avec les représentans de la nation la responsabilité de la direction générale imprimée aux affaires. Quoique ces rapports entre les pouvoirs soient très changés par la constitution, cependant le corps législatif peut encore peser dans la balance. Il ne le peut plus chaque jour, à toute heure; il ne le peut plus par cette intervention habituelle qui avertit et contient, mais il le peut par un de ces refus qui, à un jour donné, arrêtent tout court la marche qu’on est impuissant à diriger.

Ce droit, le seul droit absolu que possède le corps législatif, est d’un emploi difficile, et doit rester d’un usage d’autant plus rare qu’il est plus étendu. Toutefois, après le langage qui a été tenu à la France, lorsque c’est le gouvernement lui-même qui a fait entendre un cri d’alarme, si rien n’est changé aux anciens erremens, si rien n’est fait pour réparer le mal passé, rien pour prévenir le mal futur, il est impossible que le corps législatif demeure impassible, complice averti et désormais volontaire des fautes signalées à sa vigilance.

M. Devinck a indiqué quelle sera la ressource suprême du corps législatif, si la commission du budget ne veut ou ne peut rien obtenir. Cette ressource sera le rejet de sections du budget, de celles de ces sections, quelque nombreuses qu’elles soient, sur lesquelles la majorité jugerait consciencieusement que peuvent se réaliser les économies. Nul doute que de grands efforts ne soient faits pour détourner le corps législatif de résolutions qu’on ne manquera pas d’appeler une extrémité funeste; mais à qui serait la faute? N’a-t-on pas mis le soin le plus jaloux à lui refuser le vote par chapitre spécial, afin d’empêcher l’envahissement de l’administration par les assemblées[1]? C’est la doctrine que développait le rapport de M. Troplong sur le sénatus-consulte du 25 décembre 1852. « Il ré-

  1. Exposé des motifs du sénatus-consulte du 25 décembre 1862, portant modification et interprétation de la constitution.