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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril 1862.

Nous ne nous plaindrions pas avec une bien grande amertume de la stérilité politique des dernières semaines, si cette stérilité ne devait être surtout imputée aux lenteurs du travail législatif au sein de nos chambres. La session est prorogée jusqu’au milieu du mois de juin; mais ne dirait-on pas qu’elle a été interrompue pendant plusieurs semaines, et comment peut-on expliquer et justifier la longue oisiveté de notre corps législatif? L’année dernière, si notre mémoire ne nous trompe pas, un ministre sans portefeuille, répondant aux critiques auxquelles donnait lieu l’inactivité des chambres, avait pris pour l’avenir l’engagement que le gouvernement combinerait la présentation de ses projets de telle sorte que les travaux de la session pussent marcher avec continuité. Comment cette promesse a été tenue, on peut le voir aujourd’hui. Ceux qui devraient être le plus sensibles aux inconvéniens de la direction maintenant donnée à la besogne des chambres sont précisément les adversaires de notre ancien régime parlementaire. Suivant ces détracteurs des institutions libres logiquement organisées, le propre du régime parlementaire était le gaspillage du temps : c’était avec des chambres dépouillées d’une prépondérance usurpatrice sur les attributions du pouvoir exécutif que l’on assisterait enfin à une bonne et rapide expédition des affaires. Hélas! l’événement n’a pas du tout justifié ces fières prétentions. Bien loin de s’exciter l’un l’autre à l’activité par une émulation féconde, les pouvoirs administratif et législatif ne se sont jamais laissés aller à l’inertie avec plus d’indulgente facilité pour leur commune nonchalance.

Cette apathie législative nous laisserait indifférens, si elle ne contribuait elle-même à épaissir la triste léthargie de l’esprit public. Ce qu’on pourrait appeler le combustible de la vie politique faisant défaut, tout s’engourdit dans les diverses applications de l’opinion. La pensée publique devient pas-