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dans un petit bateau. Arrivés à Arnheim, ils chargèrent le bateau sur leurs épaules et le portèrent dans un hôtel où ils devaient passer la nuit. Le lendemain matin, ils reprirent, comme ils disaient, leur coursier de bois, et le conduisirent sur leur des jusqu’au Rhin, où ils s’embarquèrent pour l’Allemagne.

Je n’ai fait mention jusqu’ici que de divertissemens et d’exercices auxquels les Anglais donnent l’épithète de légaux. Il en est un autre qui a contre lui la loi, mais qui a pour lui les mœurs, les coutumes et les chaudes sympathies de la nation : ne viens-je pas de nommer la box ?


III.

Il est à Londres, dans Shoreditch, un cabaret hanté par des hommes à mine bourrue et à tournure extraordinaire. Ce public house, qui fait le coin d’une rue, se trouve cerné tous les soirs par un groupe de désœuvrés plus ou moins en haillons. Ces martyrs de la curiosité restent là debout pendant des heures, l’œil fixe, le cou tendu, cherchant à plonger un regard furtif dans l’intérieur de la boutique chaque fois que s’ouvre la porte. « C’est lui, le voici ! (here he is !) » entendis-je bientôt résonner à mes oreilles. Non, c’était sa femme ; mais le reflet d’une célébrité mérite bien aussi quelque attention, et la maîtresse du public house de Shoreditch est après tout une beauté de comptoir. Ces gens qui restent en dehors sont naturellement retenus par une considération grave, et quelle considération plus grave qu’une poche vide ? Ceux qui ont au contraire de quoi payer une pinte de bière ou un verre de gin poussent bravement la porte, et entrent, heureux mortels, dans le tap-room ou le parlor. Dans le tap-room, ils voient derrière le comptoir, rangés sur une étagère ou pendus aux murs, des trophées magnifiques. Ce sont des coupes, des vases d’or ou d’argent délicatement ciselés, et surtout une fameuse ceinture qui provoque l’envie et l’admiration des visiteurs. Cette ceinture, qui a été décrite par certains journaux anglais avec tout le soin que mit Homère à parler du bouclier d’Achille, est couverte d’emblèmes et de scènes pugilistiques. Dans le parlor se trouve une galerie de portraits accrochés à la muraille et représentant tous les célèbres athlètes. Autour des tables et à travers un nuage de fumée, des hommes assis se distinguent par une figure peu rassurante et causent mystérieusement entre eux. Ce sont évidemment des apprentis boxeurs, des bettors qui parient indifféremment sur les hommes ou sur les chevaux de course, des sportsmen de bas étage, en un mot des membres plus ou moins actifs de l’honorable confrérie. Au milieu d’eux trône