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douanes en ce qui concerne l’intérêt fiscal. L’ouvrier, il est vrai, n’aura plus son salaire grevé de ce qu’il paie au fisc par la taxe sur le sel, le vin, le sucre, etc., ses consommations seront affranchies de tout droit, et il en sera de même des profits de l’industrie; mais le salaire de l’ouvrier et le profit de l’industriel seront-ils les mêmes après la suppression de ces taxes qu’auparavant? Là est la question, toute la question.

Le salaire de l’ouvrier, comme toutes choses, est fixé par le rapport de l’offre à la demande, tantôt plus élevé, si c’est la demande du travail qui domine l’offre, tantôt moins élevé, si c’est le contraire : cela est incontestable; mais il a pourtant une base sur laquelle il repose, et qui lui sert de régulateur, comme les frais de production servent de régulateur au prix de tous les produits. Cette base, c’est le prix des choses indispensables à son existence et à celle de sa famille. Il est évident que, si le prix de ces choses s’abaisse sans qu’il y ait rien de changé dans les conditions économiques du pays, les mêmes rapports continuant à exister entre l’offre et la demande, le salaire doit s’abaisser en proportion. Il en est de même du prix de vente des marchandises, qui sert à déterminer le profit de l’industriel, et qui a pour base les frais que cet industriel doit supporter, parmi lesquels figure l’impôt. Si l’impôt est supprimé, le prix de ces objets s’abaisse. Je sais bien que lorsque le prix des choses est arrivé à un certain niveau, il y a une force d’habitude qui l’y retient plus ou moins longtemps, et que le salaire de l’ouvrier peut, ainsi que le bénéfice de l’industriel, profiter de la transition, comme ce salaire et ce bénéfice souffrent en sens inverse, lorsque l’élévation du prix des choses est trop rapide. Ce n’est là pourtant qu’un effet momentané, il faut à la longue que les considérations économiques aient le dessus, et que les salaires et les profits soient ramenés au niveau régulateur des frais de production. Cela étant, tout dégrèvement des taxes de consommation a pour effet d’abaisser le niveau des salaires et des profits, et l’ouvrier et l’industriel n’y gagnent rien. Je raisonne ici, bien entendu, dans l’hypothèse où le fisc ne peut rien sacrifier de ses recettes, où il ne dégrève d’un côté que pour établir de nouvelles charges de l’autre, dans l’hypothèse où il remplacerait les taxes de consommation par un impôt sur le revenu. Autrement il est évident que si le fisc pouvait dégrever purement et simplement, sans changement d’impôts, la part qu’il abandonne venant s’ajouter au revenu disponible, le travail, qui est une conséquence du revenu disponible, augmenterait, et avec lui le salaire. C’est ce qui est arrivé en Angleterre. Dans l’hypothèse que j’ai adoptée d’un dégrèvement des taxes de consommation remplacées par l’impôt sur le revenu, l’actif social sera diminué par le prélèvement du fisc dans un cas comme dans l’autre, et c’est le