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SOUVENIRS
D’UN SIBÉRIEN

II.
LA DÉPORTATION ET LA VIE D’EXIL EN SIBÉRIE.


I.

C’est un des principaux privilèges de la noblesse en Russie d’être exempte des châtimens corporels, et, en cas de déportation, du voyage à pied et par convoi. Cela n’empêche pas l’application de la torture aux détenus politiques, même nobles, pendant l’enquête ; mais l’arrêt définitif est en général conforme à la loi, et ce n’est que très rarement qu’on y déroge, comme on l’a fait pour le prince polonais Roman Sanguszko. Il est vrai que l’empereur Nicolas avait ajouté de sa propre main à la sentence, quant au mode de voyage du prince Sanguszko, le mot à pied. Grâce donc au hasard de ma naissance, je ne connus pas les aggravations ordinaires d’une condamnation telle que la mienne[1], et qui sont le knout ou leplète et le trajet « par convoi ; » mais comme un grand nombre de mes compatriotes ont subi ces châtimens, comme moi-même aussi je devais rester sous le coup de ces peines une fois arrivé à destination (alors cessaient mes droits de noble d’après l’arrêt), je donnerai quelques détails précis sur ce triste sujet.

Le knout est une longue et étroite lanière recuite dans une espèce

  1. Voyez la Revue du 15 avril.