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dans tous les actes de l’état ; » mais d’importantes restrictions, indiquées par lord Brougham lui-même, réduisent notablement l’influence de la couronne. Cependant, si, telle qu’elle est, cette constitution fonctionne merveilleusement dans les temps ordinaires, ses admirateurs la vantent comme non moins bien appropriée aux circonstances extraordinaires, car elle se prête aux nécessités des temps, et parfois elle a permis que l’exercice des droits les plus importans ait été partiellement ou totalement suspendu. Ainsi, pendant toute la durée de la guerre qui finit à la paix d’Amiens, on interdit les meetings publics, on les interdit encore pendant quelques mois en 1820. L’opportunité de cette interdiction fut contestée, mais la légalité, le principe, jamais. La même remarque s’applique à la suspension bien autrement grave de l’acte de l’habeas corpus. Plusieurs fois, sous le règne de Guillaume III, ainsi que pendant ceux de George Ier et de George III, le gouvernement dut être investi du droit exceptionnel d’arrêter et d’emprisonner sans jugement, sous la garantie toutefois d’un bill d’indemnité, les personnes soupçonnées de projets de sédition ou de trahison. L’alien act (loi sur les étrangers et les réfugiés établis en Angleterre) fut aussi suspendu pendant les guerres, et des restrictions furent également apportées plusieurs fois à la liberté de la presse depuis 1688.

Il est sans exemple toutefois qu’aucune entrave ait été jamais imposée aux droits et aux privilèges du parlement. C’est là pour les Anglais le point sacré de la constitution, et à partir de 1688 aucune main n’a osé y porter atteinte.

Du reste, si la constitution anglaise est bonne, elle n’est ni absolument parfaite ni achevée, et l’on y pourrait trouver sans peine quelques contradictions. À côté de chacune de ses meilleures institutions, il y a comme un point faible ou un défaut soit apparent, soit caché. Ainsi le principe de la liberté et de l’indépendance de l’individu repousse la conscription et le service militaire forcé ; mais la presse maritime est là dans toute son injustice, et l’on ne sait comment y remédier en temps de guerre. La magistrature est indépendante et éclairée, et la justice égale pour tous ; cependant « les regrettables dépenses et les complications qui entravent encore la procédure ne permettent pas aux citoyens pauvres de jouir des bienfaits du système judiciaire. »

Comme cour de justice suprême, « si la totalité du corps des pairs exerçait le pouvoir judiciaire, ainsi qu’il le pourrait faire d’après la lettre de la constitution, de grands abus deviendraient inévitables, et une oppression sans limites en pourrait être la conséquence ; mais dans la pratique toutes les affaires juridiques sont abandonnées à cinq ou six pairs, légistes de profession. » Une autre anomalie