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travail au centre de notre globe. Comme pour témoigner de l’énorme degré de chaleur qu’elles possédaient aux temps primitifs, les serpentines ont calciné toutes les couches du terrain de sédiment qu’elles ont traversé. Ce terrain a pris la couleur rouge de la brique cuite, ses élémens constitutifs ont été modifiés, et les nouvelles roches qui se sont ainsi produites ont reçu des géologues toscans le nom caractéristique de gabbro rosso. La serpentine et le gabbro rouge sont généralement métallifères. C’est dans ces roches que se rencontrent une partie des gisemens de cuivre de la Toscane, et, non loin du point où nous étions, se trouvent les fameuses mines de Monte-Catini, qui donnent à leurs trois heureux propriétaires plus de douze cent mille francs de bénéfices nets par année.

De Castiglioncello nous descendîmes à Vada, aujourd’hui rade presque déserte, autrefois port important au temps de l’occupation romaine. Ce lieu est nommé par Strabon, ainsi que le fleuve Cecina, que nous ne tardâmes pas à traverser sur un bac. Les dernières pluies avaient emporté le pont jeté sur ce capricieux cours d’eau. Nous dételâmes à Cecina, qui a pris le nom du fleuve sur lequel elle est bâtie. Pendant que mon automédon soignait ses bêtes et commandait le repas, j’allai visiter les hauts-fourneaux. Je n’eus pas besoin de me les faire indiquer ; ils dominaient la plaine, et les mugissemens de la machine soufflante, qui lançait l’air par les tuyères, s’entendaient d’une lieue à la ronde. On traite dans ces foyers le minerai de l’île d’Elbe. Ces mines renommées appartiennent à la Toscane depuis l’époque des Médicis, et c’est l’un des grands-ducs de cette famille qui a eu le premier l’idée de construire une usine à Cecina.

L’île d’Elbe, voisine de cette partie du rivage, ne tarda pas à m’apparaître sur la mer, quand nous quittâmes le relais. Je distinguai d’une façon de plus en plus nette le mont Campana et le mont Volterraio détachant sur l’azur du ciel, l’un ses pics dentelés de granit, l’autre sa cime arrondie de roches serpentineuses. Au pied du dernier de ces massifs, la ville de Porto-Ferrajo, voilée dans un rideau de vapeur, semblait sortir du sein des eaux, tandis que les marines de Rio et de Porto-Longone, les deux rades les plus fréquentées de l’île, restaient encore cachées à ma vue. Sur la terre ferme, une ligne continue de montagnes bornait brusquement l’horizon. Perchés sur les hauteurs se montraient quelques villages aux blanches maisonnettes, entre autres celui de Gherardesca. Le château domine le bourg de sa massive construction. Il rappelle un grand nom et une grande infortune que Dante a rendus à jamais célèbres dans l’épisode si connu d’Ugolin. Ugolino della Gherardesca possédait en effet ce fief au XIIIe siècle. Une plaque de marbre