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son congé, sous prétexte qu’il m’était désormais inutile, et je l’avais renvoyé vers son patron avec la buona mano de rigueur. Pour moi, je m’établis sans façon et sans nulle crainte dans la maison hospitalière qui m’était ouverte. En compagnie du géologue de l’endroit, l’egregio signore Tito Nardi, que me présenta mon ami, je ne tardai pas à parcourir les montagnes voisines. Outre la beauté sauvage de leurs sites, elles m’offraient un autre attrait, celui d’une étude sur place, après un intervalle de trois mille ans, des exploitations minérales et métallurgiques des Étrusques. Cette grande nation, qui a peuplé la Toscane avant les Romains et commencé avant le peuple-roi la civilisation de l’Italie, n’est encore connue des historiens que sous le point de vue de l’art. Très peu se sont inquiétés de sa langue, qu’on parlait, dit-on, encore au temps d’Auguste ; très peu aussi ont pu interroger dans tous leurs détails les événemens eux-mêmes, car l’histoire de l’Etrurie qu’avait écrite l’empereur Claude est aujourd’hui perdue. Il n’a jamais même été question, que je sache, dans aucune étude sur les Étrusques de l’état de l’industrie chez cette nation si avancée, et c’est ce vide que je vais essayer de combler. À défaut d’histoire écrite, les faits parleront d’eux-mêmes.

Le génie des Étrusques, population éminemment industrielle et trop peu connue sous ce rapport, a surtout brillé dans le travail des métaux, tels que le bronze ou l’airain. S’il faut en croire Lucrèce, ce métal a chez les anciens précédé le fer, car il est plus facile à travailler. Or la chimie moderne a démontré que l’airain des anciens n’est qu’un alliage dans lequel entre principalement le cuivre, et les mines de cuivre que les Étrusques ont exploitées en Italie sont surtout celles du Campigliais, la partie de la Maremme toscane où j’étais venu planter ma tente.

M. Tito Nardi, qui connaissait par cœur tous les points qu’avaient exploités les Étrusques, me les fit visiter avec une complaisance et une aménité dont je garde encore le souvenir après trois ans. Sur les flancs du Monte-Calvi courent deux rangées parallèles de déblais : ce sont les parties stériles des deux filons excavés par les Étrusques. En certains endroits, des bouches encore béantes conduisent dans l’intérieur des exploitations. Munis de cordes et de lampes, nous descendîmes dans ces profondes cavernes. Il nous fut aisé de suivre sur les parois de la roche métallifère la trace du coin et des marteaux à tête pointue qui avaient jadis servi à désagréger ces masses résistantes. La marque est parfois aussi fraîche que si le travail datait d’hier. Quelquefois aussi l’excavation s’est faite extérieurement, à ciel ouvert, comme disent les mineurs, et alors le filon apparaît dans toute sa puissance et sa hauteur. Le minerai