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vers la péninsule, l’art de travailler les mines et les métaux, ils l’avaient sans doute appris des Phéniciens, qui plus tard l’enseignèrent aussi aux Carthaginois et aux Grecs, comme eux-mêmes l’avaient connu des Égyptiens. Des relations commerciales suivies répandaient ainsi, à défaut de livres, chez les divers peuples de l’antiquité, la pratique des arts minéralogiques ; mais les Étrusques ont surpassé les Égyptiens et les Phéniciens, égalé tous les autres peuples de l’antiquité dans l’art de travailler le bronze. Les objets de cette époque, répandus avec tant d’abondance dans les différens musées de l’Europe, surtout dans ceux de l’Italie, prouvent amplement la vérité de cette assertion.

J’ai retrouvé au milieu des résidus de la fusion, devant les ruines des fourneaux eux-mêmes, des morceaux de minerai de la grosseur du poing, tels que les Étrusques les jetaient, après un triage et un cassage préalables, dans la gueule du foyer embrasé. Ces échantillons accusent tous une teneur en cuivre très faible, la même qu’on rencontre encore aujourd’hui, où le minerai présente une richesse moyenne de 4 à 6 pour 100 au plus. Cette teneur, dont se contentaient les Étrusques, est pour nous à peine suffisante malgré nos méthodes de fusion, que nous croyons perfectionnées. Devant de pareils faits, on se demande comment les anciens, qui ne possédaient ni la poudre ni les moyens mécaniques puissans qui sont à notre disposition, ont pu poursuivre avec profit les exploitations du Campigliais. Est-ce par le travail des prisonniers de guerre, des esclaves condamnés aux mines ? Mais ce genre de travail coûte plus cher que celui des ouvriers ordinaires, et ce qui s’est passé dans les colonies de l’Amérique et de l’Inde après l’affranchissement des esclaves prouve la supériorité du travail libre sur le travail forcé. On objectera que cette expérience n’a eu lieu que pour les exploitations agricoles, et je réponds que le fait est vrai à plus forte raison pour les mines, où la surveillance est si difficile et quelquefois impossible. Qui donc rendait si avantageuse l’exploitation des Étrusques sur un gîte métallifère si pauvre et d’une attaque si pénible ? C’est, je pense, le haut prix du bronze et l’application de ce métal à tous les usages de la vie civile et militaire, à une époque où le fer était d’un emploi très restreint, et plus coûteux d’ailleurs que le bronze. Ajoutons que l’Étrurie était alors partout cultivée, surtout en céréales, et que ses campagnes n’offraient pas le désolant aspect qu’elles présentent aujourd’hui. L’ouvrier y vivait donc à très bon compte, sous un climat salubre, et par suite le prix de la journée devait être très peu élevé.

Maintenant on se demandera peut-être ce que sont devenues chez les Romains, plus tard dans le moyen âge et les temps modernes,