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trois hauts-fourneaux, où l’on fondait le minerai de l’île d’Elbe. Ils avaient chacun reçu un nom particulier, et le curé de l’endroit, en les baptisant et bénissant la première coulée, n’avait point oublié d’en dédier un au grand-duc Léopold et de décorer les deux autres des noms de saint Jean et de saint Etienne, patrons vénérés des Toscans. La fonte obtenue était moulée au sortir du fourneau, ou bien transformée en fer dans des foyers de forme spéciale et rappelant, sauf les dimensions, les forges des maréchaux. Ces foyers sont du reste encore employés en France dans beaucoup d’usines, notamment celles de la Franche-Comté, ce qui a valu à ces fours le nom de feux comtois. Le combustible dont on faisait usage était le charbon de bois préparé l’hiver dans les maquis.

L’usine appartenait au grand-duc. Édifiée par un Médicis au commencement du siècle passé, d’autres disent par les princes de Piombino un ou deux siècles auparavant, elle avait subi peu à peu diverses transformations ; mais le progrès était lent à venir et s’avançait à pas de tortue. Ainsi à côté d’une machine soufflante mue par une roue hydraulique on voyait encore dans la forge grand-ducale ce genre de soufflet particulier aux vieilles usines à fer, et que l’on nomme une trompe. L’eau s’y précipite dans un tuyau élevé formé de troncs d’arbres joints bout à bout, et composé quelquefois d’un seul tronc. Elle entraîne dans son parcours une certaine quantité d’air qui se rend d’abord dans un tonneau servant de régulateur, et de là dans le fourneau lui-même. Ce système de soufflage a pris naissance avec la métallurgie ; il présente aussi peu d’avantages qu’il est curieux, et comme il utilise à peine dix pour cent de la force de l’eau, il a été généralement relégué en Europe dans les usines presque inaccessibles des montagnes. Là les vieilles méthodes de fusion, transmises de siècle en siècle, se sont conservées intactes comme aux premiers jours ; ainsi en Corse ou en Catalogne. En Toscane, on a suivi l’exemple de ces deux pays, et si les foyers catalans ont été remplacés à Follonica par les hauts-fourneaux il y a quelques années, on a toujours maintenu les trompes avec un religieux respect. L’ancien ingénieur du grand-duc, un ténébreux Allemand venu de Frey-berg, prétendait là-dessus que Rome n’avait pas été fondée en un jour, et qu’il devait en être de même pour Follonica. En fait de mines, il n’était guère plus avancé. Il était resté presque seul, parmi les Saxons, disciple fervent de Werner, qui, à la fin du siècle passé, créa la géologie ; mais la science a marché depuis, et la vérité de la veille est devenue l’erreur du lendemain. C’était là le moindre souci de l’ingénieur grand-ducal, et, fidèle aux idées neptuniennes du maître, il niait l’école plutonique et les phénomènes volcaniques de notre globe. Il prétendait, en manière de spirituelle moquerie,