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et c’est à la couleur et à l’aspect de l’alunite que l’on juge du plus ou moins de richesse du minerai. Ce mode d’exploiter a fini par produire sur certains points des vides énormes, effrayans, et qui parfois cependant se soutiennent d’eux-mêmes. Ils me rappelaient les chambres étrusques des mines de Campiglia. Ils communiquent d’ailleurs naturellement avec la surface, et l’on descend au fond de ces immenses cavernes soit par une corde enroulée sur un treuil, soit par des escaliers qui font le tour de l’excavation, et qui sont taillés dans le roc. On n’a ménagé aucun appui, et il est bon, si l’on veut s’aventurer sur ces marches, de n’être pas sujet au vertige.

Le directeur que le grand-duc avait installé à Montioni se piquait de progrès. Malgré la vive opposition du reggio consultore, il avait renoncé en partie au système barbare d’exploitation que je viens de décrire, et travaillé, comme un vrai mineur, au moyen de puits et de galeries. Il n’était pas alors sur les lieux, et faisait l’estatura, comme tous les employés du grand-duc ; mais un jour que, passant près des alunières, je me détournais de ma route pour aller le voir, il fut fier de me montrer lui-même ses travaux. Il avait enfin trouvé un homme à qui développer ses idées. J’étais un peu du métier comme lui, et il m’accompagna dans sa plus belle galerie. Il avait préalablement donné ses ordres : le pertuis, tracé en ligne droite, comme un tunnel de chemin de fer et avec des dimensions presque aussi considérables, était tout illuminé aux chandelles, ni plus ni moins que pour une visite du grand-duc. Il me fallut entrer dans cette galerie encore tout suant d’une longue course que nous venions de faire sur les carrières de la surface, et le directeur, pour jouir plus tôt de son triomphe, ne m’accorda aucun répit. Par politesse et en ma qualité de mineur, je n’osais faire aucune observation. J’entrai donc bravement dans le tunnel, au risque d’y prendre la fièvre en passant subitement et tout en transpiration de l’air chaud du dehors à l’air glacial du souterrain. Le tunnel était resplendissant de clarté, et mon conducteur rayonnait de joie. Bientôt nous arrivâmes par un assez long détour, où nos lampes nous éclairèrent seules, au pied d’une immense excavation. On y avait établi les chantiers d’abatage. Les mineurs avaient été prévenus, et trois coups de mine partirent à la fois, faisant voler la roche en éclats ; mais les précautions avaient été mal prises : l’air, subitement refoulé dans les galeries, alla sortir par le tunnel, où il renversa toutes nos chandelles ; nos lampes elles-mêmes s’éteignirent, et nous ne pûmes songer à reprendre le chemin par où nous étions venus. Nous fîmes contre mauvaise fortune bon cœur en adoptant la voie la plus courte, sinon la plus commode. Suspendus au câble