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indigènes. Ceux-ci augmentent leurs profits en favorisant l’évasion des captifs, et les Arabes qui n’ont pas le soin de tenir à la corde ou à la chaîne leurs esclaves sont sûrs d’en perdre vingt pour cent avant le passage du Malagarazi. Aussi le marché d’Ujiji n’a pas bonne réputation, et les Arabes cherchent une autre place pour y transférer leurs transactions. Le prix des esclaves est très variable, suivant le chiffre des demandes ; mais il n’est pas fort élevé, et comme les noirs sont revendus à Zanzibar au prix de 15 à 30 dollars, il en résulte que la traite, qui réalise cinq cents pour cent, est d’un assez bon profit.

L’esclavage semble être aussi vieux que les sociétés africaines, ce qui n’a rien de particulier ni d’étonnant, car les plus nobles races à leur enfance, et même à des âges de plein développement comme la Grèce et Rome, n’ont pas été exemptes de ce crime. Pour toute l’Afrique, il est encore dans sa pleine vigueur, et c’est la cause la plus énergique de la dégradation du continent noir ; de là résultent les luttes acharnées de ses innombrables tribus, avec Une excitation permanente de toutes les mauvaises passions. Comment ces hommes pourraient-ils être relevés, s’ils se traitent eux-mêmes en brutes ? Toutefois il est juste de reconnaître que, si l’esclavage est fréquent en Afrique, il n’y est cependant pas universel. Quelques tribus l’ont rejeté spontanément ou sous une influence extérieure ; telles sont, à la côte est, celles des Wahinda, des Watosi et des Wagogo. M. Livingstone a vu aussi dans l’Afrique australe des peuplades qui ne connaissent pas l’esclavage. Il paraît que dans cette partie du continent ce sont les marchands portugais qui l’y ont surtout propagé. Les Arabes tiennent un vilain rôle dans ce trafic ; ils en sont les principaux entremetteurs, et c’est le plus riche des profits qu’ils font en Afrique. Ce ne sont pas seulement les prisonniers qui sont livrés à l’esclavage, mais aussi les parens les plus proches. M. Burton cite des tribus où l’oncle a droit de vente sur ses nièces et ses neveux. Dans l’Afrique même, l’esclavage présente assez de douceur. Il est rare qu’un maître traite durement des hommes jetés dans une condition où il pourrait si facilement tomber lui-même. Le commerce se pratique de tribu à tribu, et les noirs qui sont vendus sur les grands marchés de la côte viennent souvent de très loin. Les principaux marchés de l’est sont l’Ile de Kasengé, Ujiji, Unyanyembé et Zungomero. Les Arabes y vont choisir les meilleurs sujets, qu’ils transportent à Zanzibar, le plus grand entrepôt du continent africain.

Les causes qui fomentent les guerres entre tribus ne sont pas politiques ; ce ne sont guère non plus les rivalités des chefs : par-dessus tout, c’est le désir de se procurer de la marchandise humaine, le