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l’occupation coloniale. Il s’agirait de relier l’Algérie au Sénégal par Tombouctou, la grande ville du Soudan occidental et du Niger. Tel est le but que la France propose avant tout aujourd’hui à l’activité de ses explorateurs. Parmi les hommes qui se sont voués à cette tâche difficile, celui qui donne le plus d’espérances est un jeune Français, M. Duveyrier. Ce voyageur a mis à profit l’expérience et les conseils de son glorieux prédécesseur Barth ; il a appris la langue arabe, et il manie les instrumens scientifiques sans lesquels les plus curieuses investigations sont de peu de valeur. Il y a trois ans que M. Duveyrier a quitté la France, et il ne s’est encore engagé que sur la lisière du désert et dans les premières oasis. Il s’est vu arrêté par les guerres du Maroc et les inimitiés des tribus du désert ; mais ce qu’il a pu faire jusqu’ici a une importance réelle, et donne bon espoir pour la suite de l’entreprise. Parti de Biskra, le jeune voyageur s’est dirigé avec une caravane sur le Djérib, une des provinces les moins connues de la Tunisie, où la première ville à laquelle on arrive par le désert est Nafta, qui compte huit mille âmes et qui n’est pas sans importance commerciale. Le Nefzaoua, district voisin, est une vaste oasis comprenant plus de cent villages. Le sol y est bien arrosé, il a de riches pâturages ; les habitans présentent le type nègre, cependant ils parlent l’arabe. Ils bâtissent des maisons en brique crue, et il y a au milieu de leurs villages une espèce de forteresse, le bordj, où leur calife vient s’établir à l’époque de la perception des impôts. Poursuivant sa reconnaissance dans la Tunisie, M. Duveyrier traversa Gabès, qui est bâtie avec les matériaux de l’ancienne Tacape, sur la côte de la Syrte. La population en est active, et les Juifs s’y trouvent en grand nombre. De Gabès, le voyageur pénétra bientôt, à travers des plaines encore couvertes de débris romains, dans Gafsa, l’antique Capsa ville qui fait un commerce assez actif en dattes, huiles, tapis ; puis il rentra à Biskra, ayant fait des observations en longitude et en latitude, recueilli des notions d’histoire naturelle et rassemblé les élémens d’une carte de cette région peu connue.

À son retour, M. Duveyrier reçut du général Martimprey une mission qui avait pour objet de concilier à la France les populations errantes du désert et de faciliter nos relations avec le Soudan. Il devait aller trouver les principaux chefs des Touaregs pour les exhorter à nouer des relations amicales avec notre colonie et à diriger vers elle les Caravanes du Soudan. Il se rendit d’El-Oued à R’adamès, espérant pouvoir de là pénétrer dans R’at, puis dans Aïn-Salah, en traversant le Sahara central pour revenir à Tuggurt par El-Golea et Ghardaia. Il gagna R’adamès par la voie de Berezof, la plus orientale, et qui est tracée dans une des parties les moins connues du