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les diverses formes de l’association des capitaux et la transmission et la circulation des valeurs mobilières.

Personne n’ignore à quelle réaction de l’esprit public vint répondre la loi de 1856 sur les sociétés en commandite par actions. La France, en se lançant dans les voies du commerce et de l’industrie, s’y est montrée avec les qualités et les défauts de son tempérament. Aussi, à la suite d’une période de grande effervescence surexcitée par des succès nombreux, elle éprouva le besoin de réagir tout à coup contre les excès de la spéculation financière en réclamant des tuteurs pour la contraindre à la prudence. Depuis quarante ans, en 1825, en 1834 et,1835, en 1854, on a vu en France des crises commerciales et industrielles presque tous les dix ans, sans parler des crises produites par les révolutions de 1830 et de 1848. Le législateur est toujours intervenu pour remédier à ces perturbations, mais jamais il n’avait appliqué au désordre de la situation un correctif aussi radical que celui de la loi de 1856 sur les commandites par action. Quelques-unes de ces sociétés, formées depuis 1852, étaient devenues, par l’importance des capitaux qu’elles avaient réunis, de véritables établissemens d’intérêt public sans l’autorisation de l’état, et leur existence pesait sur les affaires générales comme une préoccupation constante et un grave embarras. La loi tolérait qu’elles prissent des titres, souvent fictifs, qui les assimilaient, pour une partie du public, aux grandes associations financières ; elles s’appelaient compagnie, société générale, etc. Rien n’aurait été plus facile que de conjurer le danger d’une telle confusion en s’opposant administrativement à un abus qui ne reposait sur aucun droit légal ; mais au lieu de cette répression on préféra constituer à nouveau tout un système, et comme l’on croyait que l’opinion poussait à la condamnation de la liberté en matière d’association de capitaux, on refit complètement la loi, sans toutefois l’armer d’un moyen explicite pour obvier à l’inconvénient particulier que nous signalons. Cependant aucune loi ne faisait obstacle aux dangers de la licence en matière d’association de capitaux, et l’opinion poussa volontiers à la condamnation de cette liberté ; or la loi nouvelle, ne pouvant avoir d’effet rétroactif, n’a pas malheureusement empêché les désastres qu’elle avait pour but de prévenir. Elle n’a pas eu de résultats, car, avant d’apporter aux conditions de la société commanditaire par actions des modifications tellement essentielles qu’elles l’ont désormais rendue impossible, on aurait dû d’abord examiner si cette forme sociale était absolument indispensable à l’essor du principe de l’association, et si toutes les affaires la comportaient poussée jusqu’à l’exagération. L’exemple fourni par plusieurs sociétés qui, avant 1848, constituées sous cette forme avec des fonds considérables n’avaient