Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/738

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la spéculation et provoqué ainsi les lois et les mesures restrictives dont les fâcheux effets se manifestent aujourd’hui n’en a pas moins créé une formidable quantité de valeurs mobilières représentant une grande portion de la fortune du pays. La circulation permanente de ces valeurs est donc d’un intérêt général. Malheureusement le nombre restreint des agens de change et la prédominance qu’ont dans leurs opérations les fonds publics et les actions des grandes sociétés financières et industrielles ne leur permettent de s’occuper activement et avec sollicitude que de la rente et des titres des grosses compagnies, principale source de leurs profits. Les autres valeurs mobilières, émanant de sociétés en commandite ou anonymes et d’emprunts publics autres que ceux de l’état, sont condamnées ou à rester toujours dans les mêmes mains, ce qui est contraire à leur essence et aux conditions dans lesquelles elles ont été achetées, ou à subir, faute de marché public, une dépréciation constante qui a porté dans l’opinion une fâcheuse atteinte au grand et fécond principe de l’association. Par suite de l’exercice d’un monopole qui, sans même satisfaire pleinement aux besoins généraux, est contraint de transgresser à chaque instant les lois en vertu desquelles il s’exerce, on a donc mis en interdit une immense portion. de la richesse mobilière de la France. Il est urgent de modifier une législation qui entraîne d’aussi funestes résultats.

La corporation des agens de change, qui maintenant a seule le droit d’intervenir dans la négociation des effets publics, pourrait remonter jusqu’à Charles IX pour établir ses titres et son importance ; mais jamais elle n’a eu une constitution aussi en désaccord avec l’intérêt général que celle dont elle a revendiqué les avantages et les périls. Les lois en vertu desquelles s’exerce le ministère des agens de change font partie du code de commerce élaboré sous l’empire, quand les bourses de commerce furent reconstituées. Ce fut l’empire qui limita à soixante le nombre des charges d’agens de change près la Bourse de Paris ; on en comptait cependant cent trente-huit au commencement de 1793. M. Corvetto, ministre des finances en 1816, eut l’idée, pour créer des ressources au trésor, d’élever le chiffre des cautionnemens imposés aux officiers ministériels. En échange de cette augmentation de cautionnement, on permit à ces officiers ministériels de présenter leurs successeurs. De là est sortie la vénalité des charges. La limitation décrétée par le premier empire et la vénalité, voilà les deux causes qui font qu’il n’y a que soixante agens de change à Paris. Ces soixante agens peuvent-ils suffire aux besoins de la circulation de notre richesse mobilière ? Leur organisation est-elle assez bien ordonnée, en admettant qu’elle soit régulière, pour que l’intérêt général accepte le