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politiques de Juarez, et aucun soulèvement intérieur ne vint en aide à nos desseins. C’est alors que le général Almonte arriva, mit en avant dans des conversations au moins imprudentes son projet d’établissement d’une monarchie au Mexique sur la tête de l’archiduc Maximilien d’Autriche, et se vanta d’être encouragé et soutenu dans ses desseins par l’empereur. Le général de Lorencez débarque à son tour et apporte à nos soldats des renforts si nécessaires. Il a l’air de donner crédit aux assurances du général Almonte en lui prêtant une escorte de chasseurs à pied. On sait le reste : les commissaires des trois puissances se réunissent en conférence à Orizaba le 9 avril. Là les commissaires espagnol et anglais déclarent qu’en refusant de négocier avec le gouvernement de Juarez, en reprenant les hostilités, en marchant sur Mexico, en protégeant Almonte, la France dépasse les limites que la convention de Londres posait à l’action commune des trois puissances. Le général Prim et sir Charles Wyke se retirent de l’action commune. Les troupes espagnoles se rembarquent pour La Havane. Le ministre anglais s’apprête à partir pour New-York. Lord John Russell approuve dans une note remarquable par son flegme sentencieux et laconique l’interprétation donnée à la convention de Londres par le général Prim et sir Charles Wyke, et nous demeurons seuls au Mexique avec tous les embarras et toutes les charges d’une expédition commencée à trois.

On aura beau chercher toutes les consolations qu’on voudra dans un déluge de récriminations contre le cabinet anglais et contre le général Prim ; le fait n’en reste pas moins avec ses fâcheuses conséquences. La convention de Londres aboutit à un avortement, et l’entreprise mexicaine, entreprise mal définie, pèse uniquement sur les ressources de la France. Certes, nous non plus, nous ne regardons point le général Prim comme le moins ambitieux des généraux espagnols ; sa conduite n’est point au-dessus du blâme ; il n’est point même à l’abri du ridicule, lorsqu’on le voit, par une bizarre prévoyance, entretenir à sa suite un journal destiné à célébrer ses hauts faits, et auquel il a fourni si peu de besogne. Nous aussi, nous eussions désiré qu’il se fût rendu aux instances dignes et loyales de l’amiral Jurien, et qu’il eût daigné attendre sur le sol tremblant du Mexique des instructions nouvelles de son gouvernement. La sécheresse formaliste de la diplomatie anglaise ne nous plaît pas davantage : nos chers alliés, ne débarquant point de troupes, et ils avaient eu la franchise de nous en avertir des le principe, auraient pu montrer, eux aussi, plus de patience ; mais il serait absurde d’exhaler notre dépit en plaintes stériles, et d’oublier que reconnaître les fautes que nous avons nous-mêmes commises est encore le moyen le plus sûr de les, réparer.

Parmi ces fautes, la première, celle qui a entraîné les autres, est la chimère de l’établissement d’une monarchie mexicaine en faveur de l’archiduc Maximilien, selon le plan du général Almonte et des réfugiés qui l’entourent. Le gouvernement français a-t-il épousé un tel plan ? Malgré les propos inconsidérés du général Almonte, nous nous refusons à le croire, et c’est sur ce