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le régime qu’appellent de leurs vœux les patriotes polonais. Quant à nous, nous ne pouvons nous séparer, dans l’appréciation des affaires polonaises, des opinions de ceux des Polonais qu’unissent à la France une longue tradition, le commerce de nos idées et le sentiment profond de la civilisation occidentale. Aussi, entre ces systèmes exposés dans deux brochures que nous avons sous les yeux, — l’une de M. Tanski, dont les vues intéressantes sont un reflet des idées françaises, l’autre du prince Troubetzkoy, où l’on remarque une curieuse alliance de sympathies pour la Pologne avec le patriotisme russe, alliance qui veut faire revivre la Pologne dans l’orbite de la civilisation russe, — nos préférences indubitables sont pour celui de ces systèmes auquel M. Tanski se rattaché. C’eût été par des institutions libérales perfectionnées que la Russie eût pu mériter de se rallier la Pologne tout en lui laissant son originalité nationale, comme l’Angleterre a fait pour l’Irlande ; mais de telles institutions, la Russie est loin encore de les posséder elle-même. Et quand, par un généreux effort, comme le souhaiterait sans doute le prince Troubetzkoy, on voudra tenter de réconcilier les deux nations, est-on sûr de ne pas échouer contre cet arrêt inexorable des révolutions : Il est trop tard ?


E. FORCADE.


REVUE MUSICALE
Lalla-Rouhk, de M. Félicien David;


Le théâtre de l’Opéra-Comique a donné, le 12 mai, une représentation des plus piquantes. Avec un nouvel ouvrage en deux actes de M. Félicien David, Lalla-Roukh, on a repris un vieux et charmant petit chef-d’œuvre de Monsigny, Rose et Colas, qui remonte à l’année 1764. Pour les connaisseurs comme pour tout le monde, c’était une idée ingénieuse de faire entendre dans la même soirée, à côté d’une œuvre toute moderne, un vieux radotage de nos pères, comme disent les grands esprits qui traitent le passé du haut de leur superbe ignorance. Nous l’avons dit, Rose et Colas fut représenté pour la première fois le 12 mai 1764 au théâtre de la Comédie-Italienne. Monsigny avait alors trente-cinq ans, étant ne en 1729 à Fauquemberg dans l’Artois. Ce n’était pas son premier ouvrage, car il avait déjà produit les Aveux indiscrets, le Maître en Droit ou le Cadi, On ne s’avise jamais de tout, et le Roi et le Fermier, qui est de 1762 ; quatre petits opéras en un acte, dont le dernier eut un succès de surprise et d’enchantement. Rose et Colas, le Déserteur, en 1769, et Félix ou l’Enfant trouvé, qui fut son dernier opéra, en 1777, ont fait à Monsigny une réputation qui-durera tant que les hommes seront sensibles à la vérité.

Il est élémentaire dans la critique et dans l’histoire que, pour bien juger