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le poussant en avant. M. Golovnine trouvait en arrivant au pouvoir l’université de Pétersbourg fermée, les professeurs licenciés, un grand nombre d’étudians dispersés par mesure de police dans des provinces lointaines. Il a commencé Sinon par rétablir immédiatement et complètement l’université de Pétersbourg, du moins par la faire revivre pour le moment et jusqu’à un certain point sous une forme libre, en créant une commission provisoire investie des attributions académiques, notamment du droit de faire passer des examens et de décerner des grades, en autorisant des cours publics et des lectures. Il a confié des missions en France, à Berlin et dans l’intérieur de l’empire à des professeurs éminens atteints par la réaction, tels que MM. Caveline, Piragof, Pavlof. Une commission enfin a été nommée pour élaborer un projet de réorganisation des universités, et, ce projet, communiqué aux conseils académiques, est conçu, dit-on, dans un sens assez libéral. M. Golovnine a eu tout d’abord à s’occuper aussi de la censure, et là était le plus difficile, car le développement de la presse est l’effroi de l’esprit de réaction. On était arrivé à créer une multitude de censurés superposées, enchevêtrées, et finissant par rendre l’expression de toute pensée impossible. M. Golovnine a commencé par supprimer toute cette hiérarchie de censures multiples, pour la remplacer par une censure unique et générale, en attendant qu’une loi puisse être faite. Je ne voudrais point assurément diminuer le mérite du nouveau ministre de l’instruction publique russe ; il y aurait pourtant à tempérer l’illusion de ceux qui, séduits par quelque pompeuse dépêche illustrant cette réforme, se sont un peu hâtés de demander la liberté comme en Russie, après avoir demandé la liberté comme en Autriche. La vérité est que la liberté russe, même sous ce régime adouci, c’est la censure du temps de Nicolas. M. Golovnine ne pouvait faire plus pour le moment, et, chose extraordinaire, ce qu’il faisait était encore un progrès. On lui a tenu compte de ne pas faire pis et de désarmer la censure de quelques-unes de ses rigueurs.

Le plus libéral peut-être des nouveaux ministres avec M. Golovnine est le successeur du vieux Souchozannett à la direction des affaires de la guerre, le général Milutine, le frère de M. Milutine qui était il y a quelques années adjoint au ministère de l’intérieur, et qui a aujourd’hui quelques chances de devenir ministre lui-même. Ami du grand-duc Constantin et favorable à des idées de réforme, le général Milutine a le mérite d’avoir un esprit libre de tous les préjugés militaires dont sont imbus les généraux formés à l’école de l’empereur Nicolas. Il n’a point hésité, dit-on, à conseiller la dissolution de ces splendides régimens des chevaliers-gardes et des cuirassiers de la garde impériale qui, en absorbant des sommes énormes, ne servent qu’à des parades, à des revues, et il irait même jusqu’à proposer