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elles sont ainsi faites, par quelle cause elles sont restées invariables dans leur ensemble, sinon dans leurs détails, de même que dans les œuvres de la nature le calice des tulipes, des lis ou des campanules reparaît toujours semblable et cependant toujours nouveau. La variété des courbes dans les fleurs, les fruits et les coquilles est infinie ; certains animaux à corps souple, comme les reptiles et les poissons, offrent aussi une beauté de lignes précieuse à observer. Pour bien faire sentir à ceux qui n’ont pas étudié les grands principes de la création tout ce qu’il y a de variété dans cette nature si invariable dans ses lois, tout ce qu’on y rencontre de cette vraie liberté sans laquelle la vie, le mouvement, la forme comme la couleur, l’art en un mot est impossible, prenons pour exemple l’œuf, dont la forme est si simple, mais si pure. La même loi d’attraction ou de gravitation qui impose leur forme, soit aux globes des mondes, soit seulement aux calices des fleurs, aux fruits, à, un être vivant quelconque, cette loi ne permet pas de supposer un œuf carré, et cependant quelle infinie variété dans cette limite ! Cent œufs de la même espèce vous donneront cent formes, cent courbes différentes, et parmi ces cent œufs il vous sera facile d’en trouver un plus beau, plus parfait que les autres, car la nature ne se répète jamais sans une variation, une modulation imprimée à chacune de ses œuvres. Elle est toujours préoccupée de doter un objet, si minime qu’il soit, d’un caractère personnel ; bien plus, elle y joindra parfois l’exception, afin de mieux faire comprendre sa loi d’harmonie par une dissonance, ce qui n’empêche pas de retrouver dans l’idée créatrice une analogie qui constitue entre ces divergences une puissante conformité. Ces nuances, en détruisant toute apparence mécanique, sont le secret du charme. Si déjà entre deux œufs de même espèce vous trouvez l’inégalité, à plus forte raison voyez combien, à partir de l’œuf de l’épiornis et de l’autruche jusqu’à celui de l’oiseau-mouche et de l’insecte, il y a de degrés. Étudiez, cherchez à découvrir ces différences, et vous apprendrez la forme.

C’est l’habitude de vivre en plein air, sous un ciel toujours pur, c’est cette existence en communion continuelle avec la nature qui anime le moindre objet fabriqué par les doigts des ouvriers orientaux et lui donne une individualité dont l’implacable machine prive aujourd’hui toute l’industrie européenne. L’étude attentive de la nature, l’observation assidue de ses actes et de ses secrets de formation, appliquées à toutes les idées de fabrication et d’industrie, ont fait la grande science, ou pour mieux dire la grande force des civilisations anciennes.

En céramique, on ne saurait séparer la couleur de la forme, et la supériorité en ce genre de l’Asie sur la Grèce n’a pas d’autre