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toujours au même document, on voit que c’est en 1852 seulement que l’amirauté eut à sa disposition un navire armé de machines véritablement puissantes, le Duc de Wellington, de 780 chevaux de force nominale. Encore convient-il de signaler que c’est un vaisseau à trois ponts, rallongé pour être converti en vaisseau à hélice, et armé de 131 canons. L’amirauté s’en tient toujours, autant qu’il lui est possible, au système du vaisseau mixte. Si plus tard elle a la main en quelque sorte forcée par les exemples qui lui viendront du dehors, elle témoignera encore de son attachement à ses premières idées en conservant les mâtures et les voilures, qu’elle maintient jusqu’à ce jour sur ses plus rapides vaisseaux, et qu’elle vient d’imposer encore à la frégate cuirassée le Warrior, qui porte la mâture d’un vaisseau à voiles de 90 canons.

Je n’exagère rien non plus en disant que l’application de l’hélice comme instrument de propulsion des navires n’avait presque rien appris à l’amirauté, car en 1851 elle mettait encore en chantier je ne sais plus combien de vaisseaux de ligne à voiles, et il lui fallut attendre jusqu’en 1859 pour s’apercevoir qu’avec notre budget relativement modeste nous étions arrivés à posséder un nombre de vaisseaux à hélice presque égal à celui que possédait alors la marine anglaise, et de vaisseaux pourvus de machines beaucoup plus puissantes. L’amirauté reconnut seulement alors qu’elle avait fait fausse route, et tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes, si, au lieu de s’emporter contre nous comme on le fît encore en cette occasion, on avait loyalement avoué que l’on avait employé peu judicieusement les ressources de la nation. À coup sûr, il n’y avait là rien qui fût de notre faute, ou, pour mieux dire, qui ne fût pas de la faute de l’amirauté.

Tandis que la marine anglaise entrait et s’opiniâtrait dans ces erremens, voyons ce que produisait en France l’application de l’hélice à la navigation.

L’idée du vaisseau mixte, la première qui se présente à l’esprit, eut d’abord chez nous aussi ses partisans, et même on lui fit quelques sacrifices : le Charlemagne, le Jean-Bart, le Saint-Louis, le Donawerth, etc., tous pourvus de machines de 450 chevaux. C’est le minimum de force que nous ayons donné à nos vaisseaux, à moins que l’on ne rappelle l’expérience insignifiante ou concluante, comme on voudra l’entendre, qui a été faite à bord du Montebello, lequel d’ailleurs ne compte plus dans la flotte et achève, lui aussi, sa carrière comme vaisseau-école des canonniers. Néanmoins l’idée vint bien vite à nos marins que la proposition à laquelle le vaisseau mixte devait sa naissance gagnerait sensiblement à être renversée, c’est-à-dire à ce qu’on fit de la voile l’auxiliaire de l’hélice et non