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comme recevant ses machines, et les neuf block-skips, je crois que ce tableau n’a pas besoin de commentaires ; on en est cependant encore aujourd’hui à se demander au nom de quel principe de justice il a pu nous mériter les réflexions peu aimables qui nous ont été prodiguées, lorsqu’il fut produit par sir J. Pakington à la chambre des communes ? J’aurais compris qu’entre bons voisins on profitât de l’occasion pour nous adresser quelques petits complimens sur le parti que nous savions tirer de ressources relativement inférieures, mais je ne comprends pas qu’on ait pu y trouver matière à tant d’accusations.


II. — LES BATTERIES FLOTTANTES.

La guerre de Crimée n’a pas seulement constaté les qualités du vaisseau à vapeur, elle a aussi fait passer dans le domaine de la pratique une combinaison qui couvait en germe dans l’esprit des constructeurs depuis bientôt un siècle, mais que l’on n’avait pas encore pu réaliser jusque-là. Je veux parler des navires cuirassés, qui viennent de fournir à la mauvaise humeur des Anglais contre notre marine une nouvelle occasion de s’exercer.

Le combat du 17 octobre 1854 venait de démontrer que les murailles de bois, même pourvues de la plus puissante artillerie, n’étaient pas de force à soutenir la lutte contre de grands ouvrages de granit ou de maçonnerie. Vingt-six vaisseaux de ligne présentant à l’ennemi un front de presque douze cents pièces de canons des plus gros calibres avaient, pendant plus de quatre heures, fait un feu furieux sur les défenses de mer de Sébastopol, qui pouvaient leur opposer tout au plus deux cents pièces, et ils avaient fait perdre beaucoup de monde à l’ennemi (le rapport du prince Mentchikof accuse un millier d’hommes tués ou blessés), mais ils n’avaient pas produit de résultats bien sensibles sur les ouvrages russes. L’expérience fut regardée comme décisive, et on ne la renouvela ni dans la Mer-Noire ni dans la Baltique, ni même à Sveaborg, qui ne fut attaqué, comme on se le rappelle sans doute, que par des bombardes tirant à longue portée et brûlant l’arsenal russe à l’aide de feux courbes.

Pour attaquer par eau des forteresses aussi puissamment armées que celles des Russes, il fallait d’autres navires que ceux dont les alliés pouvaient disposer, d’autant plus que ces forteresses étaient presque toutes situées au fond de chenaux très difficiles et très étroits, entourées presque toujours d’eaux peu profondes où les vaisseaux et les frégates, pas même les corvettes, ne pouvaient pénétrer. L’esprit des Anglais s’arrêta sur les canonnières, dont