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variété dans les modifications. Elle semble avoir formé ces différentes espèces et leurs parties correspondantes sur un même plan qu’elle sait modifier à l’infini. »

Quatre-vingt-huit ans se sont écoulés depuis que Condorcet prononçait ces paroles mémorables, et non-seulement on a vérifié la constance du type annoncée par Vicq-d’Azyr, mais tous les naturalistes philosophes sont d’accord pour considérer l’ensemble du règne animal comme la réalisation infiniment variée de ce type idéal. Les lois auxquelles ces variations sont soumises ont été reconnues à leur tour, et l’embryologie, c’est-à-dire l’étude du développement des êtres, les a confirmées. Mais, avant d’arriver à la construction du type et d’exposer les lois de ses modifications, quelques définitions me semblent indispensables.

Il existe plusieurs genres d’anatomie : d’abord l’anatomie descriptive ou topographique, qui se borne à faire connaître la forme, la grandeur et les rapports des organes de l’homme et des animaux. La plupart de ces organes étant dérobés à notre vue par l’enveloppe commune du corps, le scalpel est nécessaire pour nous frayer un chemin jusqu’à eux. Quand il s’agit des végétaux, l’anatomie descriptive prend le nom d’organographie, car chez eux tous les appareils sont extérieurs ; ce sont les bourgeons, les feuilles, les fleurs et les fruits. Aristote, dont la grande figure se montre à l’origine de toutes les connaissances humaines, avait déjà compris qu’il ne suffit pas de décrire les organes d’un animal isolé, mais qu’il faut les comparer à ceux des autres animaux, en saisir les analogies, en apprécier les différences, car ces analogies ou ces différences se traduisent littéralement par les aptitudes, les fonctions et les mœurs des animaux étudiés sous ce point de vue. L’anatomie comparée engendra l’Anatomie philosophique, dont Vicq-d’Azyr et Condorcet furent les initiateurs, et bientôt après Bichat, anatomiste à la fois et médecin, établit les bases de l’Anatomie générale. Dans cette science, l’identité d’un tissu est reconnue dans les différentes parties de l’organisme ; ainsi l’on constate que les enveloppes du cerveau, du poumon, des organes digestifs, les poches membraneuses qui facilitent le jeu des articulations sont toutes de même nature, et Bichat leur avait imposé le nom de membranes séreuses, qu’elles ont conservé.

Le perfectionnement du microscope et l’emploi des réactifs chimiques ayant fourni les moyens de pénétrer plus profondément dans la structure des tissus végétaux et animaux, on a donné dans ces derniers temps le nom d’histologie à cette branche de l’anatomie générale qui nous fera connaître de plus en plus la composition intime des tissus vivans. Dans les plantes, les organes de la respiration et de la reproduction étant tous extérieurs, l’anatomie végétale,