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les membres sont de simples colonnes de sustentation ; chez les premiers, elles se terminent par deux doigts, ce sont les ruminans à pieds fourchus, chez les autres par un seul, ce sont les chevaux et leurs congénères, l’âne, le zèbre, le dauw, etc.

Tous les animaux dont nous venons de parler sont terrestres ou aériens. Une dernière transformation les voue à une existence aquatique. Chez les phoques et les morses, les doigts, réunis par une membrane, sont devenus des rames, et dans les cétacés (marsouins, dauphins, baleines) de véritables nageoires ; mais le squelette est toujours composé des mêmes os, mus par les mêmes muscles. Les fonctions ont changé, le type membre est resté immuable. C’est le même instrument, dont les formes et les usages ont seuls varié. Nous les retrouvons encore dans les oiseaux. Chez eux, les doigts ne se développent pas, mais ils sont remplacés par des plumes. Un oiseau vole, comme une chauve-souris, à l’aide de ses mains ; mais le but est atteint par un artifice différent. Dans les reptiles, les membres se transforment de nouveau en organes de progression sur le sol où de natation dans l’eau, mais ils poussent le corps sans le porter ; de là l’allure de la reptation, qui consiste en ce que le ventre de l’animal traîne à terre, comme chez les tortues, crocodiles, lézards, grenouilles. Enfin dans le serpent les membres disparaissent, et l’animal marche à l’aide de ses fausses côtes, qui deviennent des organes de progression, tandis que dans les animaux supérieurs elles protègent les viscères contenus dans le bas-ventre. Chez les poissons, les membres reparaissent, mais sous une forme en apparence différente : « ce sont des nageoires composées de rayons ; ces rayons, ce sont nos doigts, et le bras de l’homme lui-même se compose de cinq rayons qui sont confondus en un seul os au bras, se dédoublent en deux à l’avant-bras, et ne deviennent parfaitement distincts que dans la main. Ainsi dans tous les vertébrés les membres sont construits sur le même type. Les exigences si nombreuses des genres de vie les plus variés, à la surface ou au-dessous de la terre, dans les airs ou dans les eaux, sont satisfaites par un même organe, identique au fond, mais méconnaissable à nos yeux corporels, par la variété des formes et la diversité des usages ; l’œil de l’esprit peut seul les reconnaître. L’homme, mécanicien vulgaire, fabrique un instrument différent suivant le but qu’il » veut atteindre ; la nature n’en fait qu’un, et se borne à le modifier suivant les besoins : elle est sobre de créations, prodigue de métamorphoses.

En veut-on d’autres exemples ? Dans les animaux supérieurs, le nez est l’organe du sens de l’odorat ; dans le cochon, le tapir, il devient un boutoir avec lequel l’animal fouille la terre ; dans l’éléphant,