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Dieu dont la bonté paternelle a préparé la table du festin. Il enlève son lait à la vache, son miel à l’abeille, sa laine au mouton, et parce qu’il utilise ces animaux à son profit, il s’imagine qu’ils ont été créés pour son usage. Il ne peut pas se figurer que le moindre brin d’herbe ne soit pas là pour lui, et quand il ne reconnaît pas son utilité, il pense qu’elle se dévoilera plus tard. L’homme fait passer cette logique de la vie ordinaire dans la science et l’applique aux différentes parties dont se compose chaque être en particulier : il s’enquiert de l’emploi et de l’utilité de chacune d’elles. Ces petits raisonnemens peuvent se traîner pendant quelque temps ; mais bientôt l’insuffisance en devient manifeste par les contradictions qu’ils soulèvent. Les finalistes disent : « Les taureaux ont des cornes pour se défendre ; mais alors pourquoi les moutons n’en ont-ils point ? et quand ils en ont, pourquoi sont-elles contournées en arrière autour des oreilles, de façon à ne pouvoir pas servir ? » Il faut dire : « Le taureau se défend avec ses cornes parce qu’il les a. » S’enquérir du but, du pourquoi n’est pas scientifique ; mais on peut se poser la question de savoir comment il se fait que le front du taureau porte des cornes. Cette enquête nous amène à étudier son organisation et nous apprend pourquoi le lion n’a pas de cornes et ne saurait en avoir. Les finalistes croiraient être privés de leur Dieu, s’ils n’adoraient celui qui a donné des cornes au taureau pour sa défense. Qu’on me permette d’adorer celui qui, dans la profusion des plantes qui couvrent la terre, en a créé une qui les contient toutes, et dans la profusion des animaux un être qui les résume tous, l’homme. Que l’on vénère si l’on veut celui qui a pourvu abondamment à l’alimentation du bétail et à la nôtre ; moi, j’adore celui qui a doué le monde d’une force productive dont la millionième partie seulement, passant à l’état de vie, peuple le monde de créatures innombrables que la peste, la guerre, l’eau ni le feu ne sauraient détruire. Voilà mon Dieu[1]. »

Les organes intérieurs des animaux subissent des métamorphoses analogues à celles des membres. Dans les mammifères, les oiseaux et les reptiles, les organes respiratoires remplissent la poitrine, l’air se précipite dans les poumons, et son oxygène se combine avec le sang. Les poissons plongés dans l’eau respirent l’air dissous dans ce liquide. Chez eux, les poumons n’existent plus comme organes respiratoires, mais ils constituent la vessie natatoire, sorte d’aérostat intérieur-qui fait monter sans effort le poisson à la surface des eaux, Les poissons respirent par des branchies situées près de la

  1. Voyez sur les causes finales en physique et en météorologie un article de J.-B. Biot sur l’influence des idées exactes dans les ouvrages littéraires. (Mélanges scientifiques et littéraires, t. II, p. 1.)