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fonctionnaires spéciaux, les ingénieurs de la république, veillaient à l’exécution de la loi, à la délimitation des concessions, à l’écoulement des eaux intérieures, au bon entretien des chemins ; ils dressaient même des états statistiques, mais tout cela sans gêner ni molester les exploitans. La durée des travaux et des chômages était prévue. Les procès, au lieu de traîner en longueur, étaient soumis à des juges compétens, je veux dire à des hommes du métier, à un tribunal des mines enfin, comme il en existé aujourd’hui en Allemagne. Vingt-cinq jours après la nomination des experts, le procès devait être terminé. Celui qui avait découvert une veine minérale ne devait pas tenir le fait caché sous peine d’être noté d’infamie pendant dix ans. On le peignait en effigie sur le palais de la commune et souvent en caricature, par exemple la tête en bas et coiffée d’une mitre. C’était au moyen âge, dans les républiques italiennes de Toscane, la plus grande note d’infamie que l’on pût infliger à un citoyen. On vouait ainsi à la malédiction de tous et pour longues années le nom de l’ennemi public.

L’organisation des sociétés d’actionnaires, les cas de déchéance des concessions, tout avait été fixé par le législateur jusqu’à la révision de la loi et aux additions successives à y apporter, car en pareille matière l’expérience éclaire tous les jours. Les usines métallurgiques avaient été réglementées comme les mines ; on avait veillé à l’alimentation régulière des fonderies en minerais et combustibles ; enfin des essayeurs nommés par la république devaient analyser les métaux produits. Le degré de fin exigé notamment pour le cuivre, surtout quand on l’expédiait à l’étranger, fait honneur à l’habileté des fondeurs massétans, au moins aussi pratiques dans leur art que nos fondeurs modernes. Ce fait peut servir à expliquer le renom que le cuivre de Massa avait acquis sur les marchés européens.

Telles sont les dispositions générales de la loi massétane. C’est le plus ancien code de mines connu ; il est même antérieur aux lois analogues de Wenceslas, roi de Bohême, que les Allemands lui opposent à tort. Aussi, en parcourant le manuscrit si religieusement conservé à Florence, n’ai-je pu me défendre d’un vif sentiment d’admiration pour cette petite république de la Maremme qui, à une époque de troubles continuels, avait si bien ordonné et son exploitation souterraine et la fusion des métaux. Les cinq chapitres des Statuts et règlemens de la cité de Massa, dont le quatrième a trait à la loi des mines, sont du reste tous également dignes de mention, et le code massétan, œuvre tout originale, forme dans la législation des peuples du moyen âge un monument des plus curieux.