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difficilement la fausse idée que les adversaires de l’Union se font de l’état des choses en Amérique. Quand on réfléchit à la position respective du nord et du sud, on aperçoit aisément ce qui rend la paix impossible entre ces deux fractions de l’ancienne république, et l’on ne voit pas ce qui la rendrait possible avant longtemps. Que l’on suppose qu’au lieu d’être deux groupes d’un état en guerre civile, la république du nord et celle du sud forment deux nations différentes et deux états distincts, — avant d’en venir à la paix, les deux républiques auraient à combattre longtemps encore. Des deux côtés, des intérêts de vie ou de mort poussent à la guerre. Le sud, avec l’esclavage pour pierre angulaire de sa constitution sociale, est obligé de faire la guerre jusqu’à ce qu’il se soit incorporé tous les états à esclaves et qu’il ait obtenu des territoires assez étendus pour y pouvoir développer le travail servile ; mais le nord ne peut, sous ce rapport, accorder au sud ce qui est nécessaire à l’existence de celui-ci sans courir à une ruine certaine. Les états du nord-ouest, ces grands exportateurs de blé et de substances alimentaires, n’ont d’autre issue pour leurs produits que le Mississipi. Ils ne peuvent pas laisser le débouché du grand fleuve en des mains étrangères, et par conséquent pouvant devenir ennemies. Si le nord perd la possession du Mississipi, le nord-ouest est perdu pour lui. Les états situés au nord de l’Ohio servent de lien entre l’est et l’ouest ; ils ne pourraient pas demeurer étranglés entre le Canada et le Kentucky sans que la communication essentielle de l’est et de l’ouest fût exposée à être interrompue par des puissances hostiles. Enfin la possession de la Virginie est nécessaire pour couvrir Washington, la seule capitale possible des États-Unis tant qu’il y aura des États-Unis. Si par miracle la paix pouvait se faire en ce moment sur le principe de ce que l’on appelle en diplomatie l’uti possidetis, c’est-à-dire les deux parties gardant respectivement les positions qu’elles occupent, la sécession ne pourrait pas vivre. Le gouvernement fédéral occupe en effet la Nouvelle-Orléans, le cours du Mississipi, les états du Missouri, du Kentucky, une partie du Tennessee et de la Virginie. Ces positions seules enlèveraient à la république tous les moyens d’expansion qui sont nécessaires à son existence. On voit donc que dans un tel état de choses la paix n’est pas possible avant longtemps, et que ceux qui l’invoquent au nom des intérêts matériels de l’Europe ont été bien inconséquens, lorsqu’ils se sont réjouis des derniers succès du sud.

E. FORCADE.


LITTÉRATURE MUSICALE.

MENDELSSOHN ET SA CORRESPONDANCE.[1]

Il y a un an paraissait à Leipzig un recueil de lettres de Félix Mendelssohn. Ces lettres intimes, adressées aux divers membres de sa famille pen-

  1. Leipzig, chez Hermann Mendelssohn.