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est chargé des plus fines et des plus rares étoffes; tout alentour, sur l’ivoire, sur le bois, sur les parois de la chambre, sont merveilleusement groupées en faisceaux les riches dépouilles rapportées par Théodose et Stilicon de leurs guerres dans le monde entier. Chaque peuple vaincu y figure pour sa part : ici le Maure, là l’Ethiopien; plus loin les présens envoyés des bords du Tigre, quand la Perse suppliante acheta la paix des Romains. « La couche nuptiale, dit le poète, s’élève comme un dépôt des trésors de la victoire : on y lit les triomphes de l’empire. »

Un autre spectacle nous appelle dans le camp des légions sur les pas du poète. L’austère appareil des armes a fait place à celui des fêtes : on pare les drapeaux de fleurs, on cache les lances sous le feuillage. Plus de hiérarchie ni de discipline, les rangs sont confondus, les sentinelles elles-mêmes désertent leur poste pour prendre part à la joie commune, des amphores distribuées dans les tentes enivrent déjà les guerriers des seuls parfums du vin. Cependant la flûte remplace le clairon, le chant fait taire la trompette; les légions, vêtues d’une tunique blanche par-dessus leurs cuirasses, s’avancent sans armes à la rencontre de l’empereur. Voici Stilicon, voici son gendre; des acclamations enthousiastes les accueillent; il n’est pas un chef, pas un soldat qui ne fasse pleuvoir les fleurs à brassées sur leurs têtes : un nuage de pourpre les enveloppe.

Mais quel sanctuaire mystérieux s’ouvre devant nous? C’est la chambre de Sérène; elle est là donnant une leçon à sa fille : les auteurs grecs et latins sont entassés pêle-mêle autour d’elles. Tout à coup les livres sont repoussés, la leçon est interrompue : on vient. C’est Honorius qui envoie du palais impérial à sa fiancée les joyaux sacrés des impératrices. L’écrin séculaire se déploie sous les yeux de Sérène et de sa fille : cette parure est celle que portait Livie, voilà celle d’Agrippine et les diadèmes des épouses superbes des césars. Marie les parcourt d’un œil étonné ; mais leur éclat pâlit devant celui de ses regards. On choisit pour la nouvelle Augusta tout ce qui, en flattant son goût, peut le mieux accompagner sa beauté et relever en elle la splendeur du rang suprême.

Le moment est venu où la pronuba doit paraître ; on appelait ainsi la femme qui présidait aux noces du côté de l’épousée : c’était d’ordinaire une grave matrone, mariée ou veuve, mais qui n’avait eu qu’un mari, afin de ne point attrister le nouvel hymen par un augure sinistre. Sa fonction est de veiller à l’accomplissement des rites religieux ou civils; elle dispose, elle commande en souveraine; c’est elle qui pare la mariée, qui la conduit à la maison du mari, qui la place de ses mains dans le lit conjugal. Au temps de Claudien, la mère de la fiancée remplissait le plus souvent près de sa fille cet