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tous les cas, également indispensables, tout animal bien conformé, quelle que soit sa destination, doit présenter un certain nombre de caractères anatomiques semblables. Qu’il s’agisse de force, de lait ou de viande, la question n’aboutit-elle pas toujours à un bon emploi par l’animal des fourrages qu’on lui donne, c’est-à-dire à une bonne constitution?

L’âge des bêtes bovines peut se reconnaître à leurs cornes; mais, ce signe pouvant s’altérer par le frottement et par d’autres causes, on consulte plutôt leurs dents[1], comme on le fait pour les chevaux. C’est à l’âge de deux ans, aussitôt que les cornes sont assez longues pour recevoir le joug, que l’on commence à faire travailler les bœufs. Pendant longtemps on ne s’était guère inquiété en France que du travail et du lait. Aujourd’hui l’importance toujours croissante de la boucherie a introduit dans l’administration des étables un troisième élément dont il faut désormais tenir compte. Il est facile de comprendre que l’entretien d’une bête très précoce, qui utilise de bonne heure à la production de la viande presque toute la nourriture qu’on lui donne, soit profitable à l’engraisseur. Cependant, comme ce dernier fait rarement naître tous les animaux sur lesquels il opère, on conçoit que les intérêts de l’éleveur interviennent ici puissamment, et ces intérêts semblent un peu trop oubliés par beaucoup d’agronomes. La valeur vénale des veaux et des bœufs restera toujours tellement inférieure à celle des poulains et des chevaux, que l’on ne peut pas consentir, dans l’éducation des premiers, aux sacrifices qu’exige l’éducation des seconds. Il n’y a d’exception à cette règle que lorsqu’il s’agit d’individus destinés à servir de reproducteurs, soit qu’appartenant à une race commune ils possèdent une beauté rare, soit qu’ils sortent d’une race encore peu répandue et vivement recherchée. D’ailleurs les bêtes d’un engraissement précoce sont toujours assez exigeantes ; elles ne deviennent véritablement ce qu’elles doivent être que si l’on en a développé dès l’enfance les qualités natives par une nourriture abondante et par des soins assidus. Dans la plupart des contrées d’élève, il y a donc avantage à s’en tenir à des races quelque peu rustiques, se contentant d’une nourriture médiocre, et compensant

  1. Le bœuf n’a pas de dents à la mâchoire supérieure ; elles y sont remplacées par un cartilage solide sur lequel viennent s’appuyer les dents de la mâchoire inférieure. Dans les races communes, deux dents adultes en remplacement des pinces de lait indiquent l’âge de deux ans; quatre dents adultes marquent trois ans; à quatre ans, il y a six dents de lait remplacées, il y en a huit à cinq ans. L’usure des dents devient ensuite le seul indice de l’âge, en tenant compte toutefois des variations qui peuvent résulter du régime alimentaire des animaux. Dans les races les plus précoces, les phases que nous venons de signaler s’accomplissent beaucoup plus tôt : à vingt et un mois, — à deux ans trois mois, — à deux ans neuf mois, — et à trois ans trois mois.