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Telles furent les péripéties de la politique intérieure pendant les cinq années qui suivirent la mort de Théodose; on voit que les élémens de guerre religieuse et civile n’avaient point été étouffés par l’amnistie, mais l’explosion retardée seulement par la crainte ou les embarras de la guerre étrangère. La paix reconquise au dehors ne fit que laisser une carrière plus libre aux troubles du dedans.

L’année 400 s’ouvrit par le consulat de Stilicon; ce fut presque un fait politique considérable. Pour la première fois, le régent revêtait la trabée consulaire : moins soucieux des apparences que de la réalité du pouvoir, il avait laissé jusqu’alors à son pupille l’éclat de sa propre gloire, les pompes triomphales, les consulats; il crut son tour venu aux premiers momens de paix dont jouissait l’Italie. Un consulat de Stilicon venait d’ailleurs fort à propos immédiatement après celui d’Eutrope, commencé et fini dans les premiers mois de l’année 399 ; c’était un contraste honorable pour l’Occident et presque un triomphe de Rome sur Constantinople. Par une coïncidence singulière, due plutôt au hasard qu’à une pensée de concorde entre les deux princes, le consul d’Orient pour cette année fut un autre ennemi d’Eutrope, le préfet du prétoire Aurelianus, juge et exécuteur de l’eunuque, Stilicon prit la trabée à Milan dans une fête d’une magnificence extraordinaire, au milieu des personnages les plus illustres du monde occidental : Symmaque y assistait avec la fleur de la noblesse patricienne ; puis la solennité alla se continuer dans Rome, où le sénat et le peuple réclamaient à grands cris la présence du consul. C’était une nouveauté à laquelle l’empereur voulut bien consentir; mais il ne quitta point Milan. Rome avait donc recouvré à demi le droit d’inaugurer l’entrée en charge du consul. Si faible que pût sembler la conquête, elle n’en était pas moins un grand événement par ses conséquences possibles, et les magistrats appelèrent Claudien pour la célébrer. Le poète et son protecteur ne s’étaient pas rencontrés dans les murs de la ville éternelle depuis cinq ans, c’est-à-dire depuis les jours d’abaissement et d’effroi qui avaient suivi pour les vieux Romains la défaite de la Rivière-Froide; ils s’y retrouvaient dans un moment de joie et d’espérance. Claudien avait à chanter à la fois les deux idoles de sa muse, Stilicon et Rome, et jamais sa lyre patriotique, animée par l’admiration, ne fit entendre de plus nobles et plus fiers accens.

Nous avons son panégyrique développé et refondu dans le poème des Louanges de Stilicon. Claudien s’y place lui-même avec le juste orgueil du poète et du soldat; le rôle qu’il se donne est celui d’Ennius, soldat et poète sous un autre héros. « Lorsque Scipion, dit-il, parcourait le monde de victoires en victoires, Ennius se tenait à ses côtés. Errant sur les champs de bataille, au milieu des clairons, il