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et l’alliance française à Madrid; auprès de l’une et de l’autre cour, l’alliance anglaise avait échoué.

Le roi Jacques ressentit l’échec ; mais il était obstiné et point fier. Il lui fallait absolument un grand mariage monarchique, et les deux grandes puissances catholiques, la France et l’Espagne, pouvaient seules le lui fournir. Ni ses revers diplomatiques, ni l’antipathie déclarée de la libre et protestante Angleterre pour l’une et l’autre de ces alliances, surtout pour l’espagnole, ne l’y firent renoncer. Il suspendit pourtant quelque temps ses démarches; deux événemens de famille lui furent des motifs d’attente et des moyens de distraction. Son fils aîné, le prince Henri, mourut le 6 novembre 1612, aimé et honoré de son pays plus que regretté de son père, à qui il ne ressemblait point et dont il prenait soin de se distinguer. Le prince Charles devint prince de Galles et héritier du trône. Sur ces entrefaites, Frédéric V, comte et électeur palatin du Rhin, avait demandé la main de la princesse Elisabeth d’Angleterre; il l’obtint du roi Jacques, à la grande joie de la nation anglaise, et vint à Londres pour l’épouser. Il était magnifique, aimable, mélancolique et zélé protestant; la princesse Elisabeth ne l’était pas moins que lui. La reine Anne sa mère, à qui ce mariage ne plaisait pas, l’appela un jour « la bonne ménagère palatine. » « J’aime mieux, dit la princesse, être la femme du palatin que la plus grande reine papiste de la chrétienté. » Le mariage fut célébré avec grande pompe à Whitehall le 14 février 1613; les deux époux partirent le 27 pour l’Allemagne, et le roi Jacques, resté seul avec son fils Charles, ne tarda pas à reprendre, pour le seul mariage qu’il eût désormais à faire, ses projets favoris. Depuis le mauvais succès de ses propositions à Madrid, il avait entamé à Paris une négociation pour le futur mariage du prince Henri avec la princesse Christine, seconde fille de Henri IV, qui n’avait encore que six ans, et neuf jours après la mort du prince Henri, il s’était hâté de lui substituer, comme prétendant à cette union lointaine, le nouveau prince de Galles, Charles. La démarche faite à ce sujet par sir Thomas Edmonds, ambassadeur d’Angleterre en France, fut d’abord bien accueillie : on alla jusqu’à débattre l’époque du mariage, ses conditions religieuses, la dot de la princesse Christine; mais la cour de France avait au fond pour elle d’autres vues auxquelles les états-généraux de 1614 se montrèrent favorables. Quand sir Thomas Edmonds demanda une réponse définitive, Villeroy éleva des difficultés, ajourna toute décision; la négociation fut interrompue, et le roi Jacques, après quelques mois d’inaction décente, reporta vers Madrid ses désirs et ses ouvertures.

Parmi les documens inédits que j’ai puisés dans les archives de Simancas, je trouve, sous la date du 14 juin 1614, une note du roi d’Espagne Philippe III, ainsi conçue :