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maintient l’harmonie dans l’ensemble. Commissariat, infanterie, artillerie, hydrographie, santé, pharmacie même, sont des personnes morales capables de se défendre, avec qui il faut compter non moins qu’avec les officiers militaires, les ingénieurs des constructions navales ou les officiers des travaux hydrauliques que la marine emprunte à la puissante administration des ponts et chaussées. Enfin, et ce qui ne vaut pas moins que le reste, l’entrée dans le service de la marine ne dépend pas uniquement du caprice de l’administration supérieure ou du patronage des gens puissans. Tandis que chez nos voisins l’avancement même jusqu’au grade de capitaine de vaisseau appartient exclusivement au choix de l’autorité, l’entrée dans tous les corps de la marine française est réglée presque uniquement par des concours publics qui assurent un recrutement distingué, et l’avancement dans l’intérieur des corps est entouré de garanties qui réussissent le plus souvent à protéger les officiers méritans contre les effets désordonnés du favoritisme.

A égalité de valeur personnelle dans les individus qui composent les deux administrations rivales, la supériorité de l’organisation devait produire en France des résultats supérieurs. C’est ce qui est arrivé. Nous nous plaignons souvent de l’élévation du chiffre auquel parvient le budget de notre marine; mais il n’y a pas grande justice dans ces plaintes. Le budget est élevé parce que la marine est une chose chère, mais non pas parce qu’elle est mal administrée chez nous. Il s’y commet des erreurs sans doute; mais comparativement à ce qui se fait ailleurs nous devrions nous dire que nous en avons pour notre argent encore plus que les autres. Il y a économie relative, et les cris qui se poussent périodiquement en Angleterre contre le développement que prennent nos constructions ou nos arméniens, contre l’égalité que parfois ils semblent atteindre, devraient nous convaincre qu’après tout il est fait bon usage des deniers publics, car en moyenne notre budget n’est bien souvent pas égal à la moitié du budget de la marine anglaise. Ce serait bien autre chose si nous voulions faire la comparaison avec ce qui se passe en Amérique. Non-seulement il y a modération certaine dans le chiffre des dépenses, mais il y a une supériorité de vie, d’invention, de zèle qui s’est manifestée depuis quarante ans par une activité vraiment remarquable, si l’on met en regard nos ressources avec ce que nous avons fait, par tous les progrès que nous avons fait faire à l’organisation des armées navales, par toutes les révolutions que nous avons introduites dans la composition des flottes, dans la construction des navires et dans tous les détails de l’armement. A ce point de vue, nous avons produit plus que personne, et nous pouvons même dire sans infatuation que nous avons produit plus que tous les autres