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mêlé, lui étranger, du gouvernement intérieur de l’Angleterre en s’efforçant de renverser un ministre, favori en ce moment du peuple comme du roi. Il avait attaqué Buckingham à la fois par des paroles hautaines et par des menées souterraines, blessant ainsi à la fois l’orgueil et le sentiment d’honneur du parlement et du public anglais. Il avait compté sur le désir passionné que témoignait depuis longtemps le roi Jacques pour le mariage espagnol, oubliant que Jacques était d’un caractère faible et double, et que, si le mariage espagnol manquait, il avait encore en perspective le mariage français pour contenter sa passion. L’insuccès et le départ du marquis d’Inojosa n’eurent d’autre effet que de dégager pleinement le roi Jacques envers la cour de Madrid et de le mettre à l’entière disposition du parlement, ennemi de l’Espagne. En vain les Espagnols essayèrent de ressaisir le fil qu’ils avaient eux-mêmes brisé ; en vain on parla du prochain retour à Londres du comte de Gondomar, naguère si habile à ménager la cour et si influent auprès du roi : ni le roi ni la cour n’étaient plus maîtres de la question. Les chambres votèrent que le roi ne pouvait, ni avec sûreté pour son propre honneur, ni avec convenance pour la religion et pour l’état, poursuivre la négociation entamée pour le mariage du prince de Galles avec l’infante, ni compter sur cette négociation pour le rétablissement de l’électeur palatin. Elles présentèrent de concert au roi une adresse pour lui faire de ce vote une déclaration solennelle. Elles déclarèrent en outre que, le roi se montrant disposé à suivre leur conseil, elles le soutiendraient de tous leurs moyens à travers toutes les conséquences de sa résolution, et elles votèrent immédiatement des subsides très insuffisans pour faire longtemps face à la guerre, mais suffisans pour pousser à la rupture. En présence de toutes ces manifestations, Jacques se décida enfin, avec tristesse et inquiet de l’avenir, mais en termes clairs et péremptoires. Il dit aux deux chambres : « Je vous déclare que je consens à suivre votre conseil en annulant et rompant les deux traités avec l’Espagne pour le mariage et pour le Palatinat. Je m’assure en même temps que vous effectuerez ce que vous m’avez dit, à savoir que vous me soutiendrez de votre sagesse, de vos conseils et de vos forces autant que besoin sera. Ce que vous venez de voter est assez, j’en conviens, pour entrer aujourd’hui dans l’affaire, mais bien loin de ce qu’elle exigera. Il est sans exemple, je dois le dire, qu’aucun parlement, à son début, ait donné au roi un si large subside à percevoir en si peu de temps. Je vous remercie aussi de la résolution générale par laquelle vous m’avez engagé vos fortunes et vos vies ; cela est plus que quarante subsides et vaut mieux qu’un royaume, car la force d’un roi, après la protection de Dieu, réside dans les cœurs de son peuple… Mylords et messieurs, je vais faire préparer toutes choses pour que