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pendance italienne y prononce des discours, y prépare des entreprises, — habiles ? l’avenir le dira, — mais dont le mérite, on peut le dire dès à présent, n’est point à coup sûr la prudence.

Pour nous, étrangers, c’est à distance qu’il nous est donné d’observer l’Italie, Or, vue de loin, nous sommes contraints de l’avouer sans vouloir être sévères pour personne, la confusion que produisent l’attitude du gouvernement italien et l’attitude de Garibaldi est pour les amis de l’Italie un pénible spectacle. Nous savons qu’il y a des Italiens imperturbables dans l’optimisme et poussant la finesse jusqu’à une quintessence effrayante, qui ne sont point embarrassés pour si peu, et qui trouvent le moyen de concilier les sorties de Garibaldi contre la France et l’empereur avec la déférence du ministère italien pour l’alliance française. Que Garibaldi se lance sur les États-Romains, tout le monde, suivant ces raffinés, y trouvera son compte. Les troupes françaises feront face à Garibaldi ; mais une émeute éclatera à Rome. Les Français laisseront la troupe pontificale se démêler avec la population insurgée. On devine le reste. Tandis que les Français repousseront Garibaldi, les Romains se déferont de leur gouvernement, et la France, satisfaite de sa victoire sur les volontaires, s’inclinera à Rome et battra en retraite devant le fait accompli. Nous ne voulons pas troubler les ingénieux flegmatiques qui arrangent ainsi l’avenir à leur fantaisie, et à qui au surplus le passé n’interdit point absolument de se repaître de telles illusions. La politique honnête et sérieuse ne peut pas tenir compte de semblables machinations, surtout lorsqu’elles ne sont que des rêves. En dépit de cette explication un peu machiavélique, la situation que fait à Garibaldi la stagnation de la question romaine n’en demeure pas moins, et pour l’Italie et pour l’Europe, une périlleuse énigme.

Nous avons en France une école de conservateurs sommaires qui croit posséder contre des difficultés de cette sorte un remède souverain : c’est la répression par la force. Les plus modérés disent qu’il faudrait en ce moment à l’Italie un homme qui organisât la résistance des forces conservatrices contre les forces dissolvantes, un Casimir Perier ; les plus violens disent qu’il faudrait à l’Italie un coup d’état. De tels jugemens appliqués à l’Italie sont absurdes. Si nous allions jusqu’à admettre que les coups d’état puissent être quelquefois nécessaires, nous pensons que l’on reconnaîtra du moins que ces extrémités ne sont jamais glorieuses pour un peuple. Les coups d’état sont pour les nations des aveux d’impuissance ; ils signifient que l’on demande l’ordre à la force, parce qu’on désespère de l’obtenir de la liberté et de la raison publique. Grâce à Dieu, l’Italie nouvelle n’en est point là ; l’Italie a eu le bonheur de devoir son indépendance à la liberté, au statut, aux institutions parlementaires du gouvernement subalpin. C’est sa nationalité même qu’elle frapperait au cœur, si elle avait la lâcheté impie de sacrifier la liberté. Il n’y a pas plus de place en Italie à un système de résistance suivant les idées françaises qu’à un coup d’état. Une des prin-