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paix, dites-vous, et ce que vous sollicitez de ce saint-siège est le contraire de la paix, puisque c’est une atteinte à l’unité de l’église. Cependant vous êtes nos fils, nous sommes votre père ; comptez sur notre paternelle sollicitude. Si un fils sollicite de son père une grâce qui doit lui être funeste, c’est par amour pour son fils que le père est tenu de rester inflexible. Nous convoquerons nos frères, nos conseillers, et nous vous donnerons une réponse conforme à notre honneur et à vos intérêts. »

La réponse était indiquée d’avance. Pendant une dizaine de jours, les conférences particulières recommencent entre les cardinaux et les envoyés du roi de Bohême. Mêmes argumens de part et d’autre, même impossibilité de s’entendre. Enfin le mercredi 31 mars Pie II, dans un consistoire solennel, en présence de plus de quatre mille personnes, proclame sa décision. Son discours, très long, très étudié, reproduit tous les argumens que les cardinaux et le pape lui-même ont déjà mis en œuvre. Pour des motifs de discipline, de théologie, de morale, bien plus, pour des raisons politiques et dans l’intérêt du peuple tchèque, la communion sous les deux espèces est déclarée contraire à la foi orthodoxe. « Revenez à votre mère, disait le pape en terminant, revenez à l’église infaillible ; alors seulement la gloire et la paix resplendiront de nouveau sur ce royaume, que frappent depuis si longtemps la malédiction et la mort. » Lorsque Pie II a fini de parler, Antoine d’Eugubio, procureur de la foi, se lève et prononce cette sentence à voix haute : « Je déclare publiquement devant l’assemblée des vénérables cardinaux, archevêques, évêques, et de toutes les personnes ici présentes, que le saint-père rapporte et supprime les compactats accordés au peuple de Bohême par le concile de Bâle, que la participation des laïques à l’eucharistie sous les deux espèces est défendue et interdite, enfin que le serment d’obédience prêté par le roi de Bohème est accepté, mais seulement sous la condition pour lui d’extirper l’hérésie de ses états, de rentrer dans le sein de l’église romaine, de se conduire et de conduire son royaume d’après la loi du saint-siège. Et j’ordonne aux notaires publics de consigner cet événement en plusieurs manuscrits pour tous les temps à venir. »

Le lendemain, 1er avril, les députés de la Bohême étant venus prendre congé du pape, Pie II les reçut dans son jardin en présence de quelques cardinaux et leur adressa ces paroles : « Dites bien à votre roi que nous l’aimons et que nous sommes prêt à faire pour lui tout ce qui ne sera pas contraire à l’honneur de ce saint-siège. Votre requête était inadmissible. Dites au roi, à la reine, aux barons, de fuir les nouveautés religieuses. Et toi, Kostka, si cher à ton souverain, toi qu’il aime entre tous, exhorte-le à nous obéir. Ce sera une source de gloire pour le royaume. Qu’il ait le courage de