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et aux barons qu’il se fiait à leur loyauté, à leur patriotisme,. qu’il voulait le respect des consciences, et ne souffrirait pas que la paix publique fut jamais troublée par des questions religieuses.

Cette âme vraiment royale, et qui pratiquait si bien les devoirs de sa royauté, n’était pas disposée à la laisser avilir. On le vit clairement à la seconde séance, où le légat du pape fut entendu. Ce légat était un de ces docteurs, théologiens ou légistes, qui se mettaient au service des divers gouvernemens, et formaient, nous l’avons vu, la libre diplomatie du XVe siècle. Il était Dalmate de naissance et ardemment catholique ; George, qui n’était pas un chef de secte, mais un roi, s’était fait représenter par lui auprès de Pie II. Fantin de Valle, c’est son nom, occupait encore cette charge quand l’ambassade bohémienne était arrivée à Rome. Les envoyés du roi, craignant que leurs compatriotes ne les accusassent de faiblesse ou d’inhabileté, n’étaient pas fâchés de ramener un témoin qui pût certifier l’exactitude de leurs récits. Le pape, de son côté, n’avait pas cru possible, dans les circonstances présentes, de trouver un légat plus convenable que le théologien du roi George. C’est ainsi que le docteur Fantin de Valle, après avoir servi le roi de Bohême comme chargé d’affaires à Rome, revenait à Prague comme légat du pape. Au moment de le faire introduire dans la salle des états (13 août), le roi parla ainsi aux députés : « Nous allons l’entendre aujourd’hui en qualité d’ambassadeur du pape ; demain, il comparaîtra comme notre chargé d’affaires. Quels que soient les discours qu’il tienne ici au nom du souverain pontife, je vous ordonne à tous de demeurer calmes et de ne pas l’interrompre. » Fantin fut introduit et traité de la même façon que les envoyés bohémiens au consistoire de Rome : il dut rester debout en présence du roi, comme les envoyés du roi étaient restés debout en présence du pape.

« Avant d’exposer l’objet de ma mission, dit le légat, je demande si je puis parler librement et en toute sécurité. — Librement et en toute sécurité, » répondit le roi. Alors Fantin commença son discours, qui ne fut qu’une paraphrase véhémente des paroles prononcées par Pie II dans le consistoire du 31 mars. À des récriminations violentes contre les premiers hussites, à une interprétation sophistique des compactats, à des lieux communs déclamatoires sur l’unité romaine, enfin à la proclamation du décret pontifical qui mettait à néant la charte religieuse du concile de Bâle succédèrent bientôt des exhortations altières renfermant une insulte pour le roi. « Tenez votre serment ! s’écriait-il. Recevez la communion des mains des prêtres catholiques, vous, sire, et la reine et toute votre maison. Chassez de la cour tous ces chapelains effrontés, maîtres d’erreur et ministres de ruine ; livrez-les à l’administrateur du chapitre de Prague pour qu’il châtie leur impudence ; défendez à tout sectaire la distribution